geo.cybercantal.net sommaire La Piste Verte et ses abords 5 - Chastel-Marlhac (histoire)
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II : le Plateau de Chastel-Marlhac : Histoire

Le rocher de Chastel abrite des témoins historiques divers

Chastel-Marlhac et la présence gallo-romaine. La période gallo-romaine s’étend approximativement de 0 à 400-500 ans de notre ère. La fin de cette période coïncide avec la chute de l’empire romain d’occident (476). Elle fait suite au second âge du fer : La Tène I à III. (Le premier âge du fer étant le Hallstatt). Un événement important pour notre région est la bataille de Gergovie (-52) qui est une victoire pour Vercingétorix. Mais les celtes sont défaits la même année à Alésia et l’Arvernie devient romaine pour une longue période de l’ordre de 400 ans.

Chastel-Marlhac considéré comme forteresse : les guerres arvernes de Thierry 1er. En 532, le fils de Clovis, Thierry, mit le siège devant Chastel-Marlhac, hameau situé sur la commune actuelle du Monteil, canton de Saignes. Pour connaître le contexte de cet événement historique, nous renvoyons à un autre chapitre du site, à l’adresse suivante : http://geo.cybercantal.net ; chapitre Histoire : le siège de Chastel-Marlhac et les guerres arvernes de Thierry 1er.

La vie sur le plateau durant le haut moyen-âge : la motte castrale : Au cours des X° et XI° siècles se répandit un nouveau type de château caractérisé par la présence d'une motte, c'est-à-dire d'une éminence en tronc de cône entourée à sa base d'un ou plusieurs fossés, et destinée à porter une tour. Cette tour primitivement en bois, était à la fois résidence du seigneur et ultime réduit de la défense.

II-A : Découvertes gallo-romaines

Les lignes suivantes sont extraites des Bulletins du GRHAVS n° 20, 1980 et n°60, 1999. Les découvertes gallo-romaines sous la forme de tessons sont nombreuses, et réparties sur toute l'étendue du plateau. Ces tessons proviennent de découvertes fortuites par les habitants. Ils représentent des fragments d'amphores: fonds, anses, panses. Cependant, toutes les découvertes ne sont pas fortuites, et le sondage de 1955 a conduit à la découverte de tuiles à rebords et de tuiles avec écriture (Bulletin GRHAVS n°20 (1980) n°60 (1999). Il est intéressant de montrer ces objets pour sensibiliser le promeneur aux traces, probablement encore présentes, de la vie gallo-romaine.

Dessin de fragments de tuile à rebords, ici de l'imbrice; tesson de céramique sigillée; musée du GRHAVS à Avena, Antignac et dessin dans Fascicule du GRHAVS n°60.

Les deux éléments de tuile gallo-romaine: imbrice et tegulae photographiés au musée du GRHAVS à Avena, Antignac.

II-B : Occupation durant le haut Moyen Âge : la motte castrale.

La motte castrale du haut Moyen-Âge est toujours bien visible. Au centre du plateau on trouve actuellement une butte circulaire à la limite de l'ancien lac, cette butte, probablement à base rocheuse, semble être aménagée. Un mur de pierres sèches de dimensions assez importantes l'entoure, en grande partie. Gabriel Fournier (1962) consacre quelques pages de sa thèse au Rocher de Chastel. Il précise (1) « Vers le milieu du plateau se dresse une butte. D'après les fouilles qui y ont été faites cette butte serait formée d'une accumulation de terre autour d'un bloc rocheux et pourrait par conséquent être partiellement artificielle. S'agirait-il d'une motte castrale? La question serait à reprendre». Il continue: « Quoique l'étude archéologique de ce site reste à faire, il ressort dès maintenant des quelques sondages qui y ont été pratiqués que la forteresse du début du VI° siècle a été précédée par un habitat remontant au moins aux premiers siècles de notre ère, en relation avec la forte densité du peuplement gallo-romain attesté par la toponymie dans la région qui, au Nord-Ouest du massif volcanique du Cantal, a pour centre la ville de Mauriac. Le nom et le site du village confirment cette origine. La forteresse mérovingienne de Marlhac apparaît ainsi comme un établissement dont les origines remontaient à l'Antiquité et qui avait des fonctions à la fois agricoles et défensives ». Selon O. Lapeyre (voir Bulletin du GRHAVS n° 20), la découverte fortuite d'une pointe de flèche et d'un coin en fer sont des éléments qui font penser que nous sommes probablement en présence des vestiges de la motte castrale. Cette motte devait être surmontée d'une construction en bois, comme la forteresse carolingienne du Puy de Menoire à Menet. B. Phalip (2) indique qu'au centre du plateau se voient les vestiges d'une motte très arasée comportant à la base une sorte de boulevard peu élevé qui double la défense; la parcelle porte le nom de "La Tour". Les traces d'un fossé sont également visibles à la sortie de l'hiver lorsque les terres sont gorgées d'eau. Ce fossé était alimenté par des ruisseaux qui vont rejoindre un étang au nord du plateau. Cette motte, élevée à une époque indéterminée est du même type que celle de Fleurac (Saignes). La pointe de flèche est un élément important des découvertes fortuites de Chastel-Marlhac. De nombreux ouvrages consultés nous incitent à penser qu'elle a pu être réalisée au haut Moyen-Âge, à une époque voisine de celle découverte dans la motte castrale de Moulins-sur-Céphons dans l'Indre (3); ces deux flèches sont identiques, forme et dimensions coïncident. L'ensemble du matériel découvert lors des fouilles de cette motte échelonne la datation du XI° au XIII° siècle. Pour d'autres flèches de forme effilée et à section carrée, la datation varie entre le XII° et le XIII° siècle. Celle de Chastel semble bien appartenir au Haut Moyen-Âge.

Notes

(1) Gabriel Fournier, 1962. Le peuplement rural de Basse Auvergne durant le haut Moyen-Âge, PUF, Paris: 337-338.

(2) Bruno Phalip, Thèse, Le château et l'habitat seigneurial en Haute-Auvergne et Brivadois entre le Xle et XVe siècles, tome II, volume I, p. 319.

(3) Catalogue de l'exposition, Un village médiéval en Bas-Berry, Moulins-sur-Céphons, sous la direction d'Aurelle Querrien, 1988, pp. 36 et 37.

(4) Gabriel Fournier: Paysages et sites historiques du Moyen Age : 1: Archéologie du paysage; 2: L'exemple du Cantal; 3: La sauvegarde des paysages. Bulletin GRHAVS N°20 (1980).

(5) Chastel-Marlhac au fil du temps. Fascicule du GRHAVS n°60, 1999.

II-C-1 : Les châteaux à motte (G. Fournier p 365)

Au cours des X° et XI° siècles se répandit un nouveau type de château caractérisé par la présence d'une motte, c'est-à-dire d'une éminence de forme tronconique (1) entourée à sa base d'un fossé et destinée à porter une tour, primitivement en bois, à la fois résidence du seigneur (2) et suprême réduit de la défense. La motte était la partie principale d'un système défensif homogène. Il comprenait, en outre, une enceinte, composée d'un fossé et d'un rempart de terre surmonté d'une palissade, qui formait une basse-cour et protégeait les dépendances du château (3). Ce nouveau type de forteresse connut un très grand succès. Au cours des X° et XI° siècles, les châteaux de ce type se multiplièrent et devinrent non seulement un élément caractéristique du paysage dans tout le royaume, mais également le principal instrument de domination et de puissance des seigneurs.

Si la diffusion de nouveaux principes défensifs et la multiplication des châteaux sont des faits inséparables en relation avec les profondes transformations politiques et sociales contemporaines - insécurité généralisée et essor de la féodalité - bien des aspects de révolution restent obscurs. On souhaiterait, en particulier, mieux connaître la manière dont on a passé de la forteresse du haut Moyen-Age au château à motte, les circonstances qui ont entouré la diffusion des châteaux aux X° et XI° siècles, leur rôle dans l'évolution du peuplement. Les faits observés en Auvergne, comparés à ce qui a été établi pour d'autres régions, permettent de jeter quelques lumières sur ces questions.

1) La description la plus précise reste celle de Caumont, 2501, t. 5, (p. 72-78.) Les études plus récentes suivent fidèlement cet auteur, aujourd'hui trop souvent méconnu. Cf. bibliographie n° 6102, 6106, 6108 et § 62. Les mottes ont souvent été confondues avec des tumuli. Caumont avait déjà dénoncé cette erreur. La théorie de l'origine prémédiévale des mottes a été encore récemment reprise par H. Leclercq, art. Motte féodale = DACL, t. XII-1, col. 332-335.

2) La tour comprenait en général deux étages. Le rez-de-chaussée était occupé par des magasins; on y accédait à partir du premier étage par une trappe. La partie supérieure, à laquelle on accédait par une ouverture aménagée au premier étage, était consacrée à l'habitation. Une tour de ce type est décrite dans les Miracles de saint Benoît (Flach, 1212, t. 2, p.85; Enlart, 6102, t. 2,p. 553-554 ; Mortet, 2508, t. 1, p. 10-11).

3) Des châteaux à motte sont représentés sur la tapisserie de Bayeux qui date du dernier quart du XI° siècle. Sur cette date cf. L. Hibbard-Loomis  = MA, t. 65, 1959, p. 488, note 38. Quelques descriptions du début du XII° siècle permettent de se faire une image assez précise de ces châteaux à motte. Les plus connues sont celles du château d'Ardre dans la Chronique de Lambert d'Ardres et celle du château de Meneken dans la Vie de Jean, évêque de Thérouanne (Mortet, 2508, t. 1, p. 180-185; Flach, 1212, t. 2, p. 82-83, note 2).

L'intérêt des pages précédentes est de montrer le passage de la forteresse de tradition antique au château féodal médiéval. Les plus anciennes forteresses que nous avons pu identifier en Auvergne conservaient les caractères des oppida de l'époque celtique, qui furent à l'origine de plusieurs d'entre elles et dont il est souvent difficile de les distinguer. C'est, semble-t-il, au cours du X° siècle que les enceintes de ce type furent peu à peu abandonnées et firent place à des châteaux à motte de superficie plus réduite. Seule une enquête étendue à tout l'Occident permettrait de préciser les modalités et le rythme de cette transformation, qui apparaît avant tout comme le reflet d'une nouvelle structure politique et sociale.

La carte des forteresses archaïques et des châteaux à motte reflète celle de l'occupation du sol et des progrès du peuplement. Parmi les premières, il en est beaucoup qui paraissent avoir été aménagées en marge des secteurs où se concentrait l'habitat ancien : dotées souvent d'un sanctuaire, parfois même dès l'époque mérovingienne d'une église paroissiale, ces forteresses, qui ne furent peut-être à l'origine que des refuges temporaires, favorisèrent le peuplement des régions où l'occupation du sol était restée peu dense. Plus tard, les châteaux à motte se multiplièrent en même temps que les défrichements : leur carte révèle les progrès du peuplement dans les régions périphériques de part et d'autre de la vallée de l'Allier, sans qu'il soit possible de préciser si la construction des châteaux a précédé les défrichements et les a accélérés ou si elle n'a fait que suivre les progrès de l'occupation du sol. Quoi qu'il en soit, à partir du X° siècle ces châteaux furent nombreux dans toute l'Auvergne, construits les uns dans des localités déjà existantes ou dans leurs environs immédiats, les autres loin de tout lieu habité. Ainsi, les châteaux féodaux, soit qu'ils aient amené un remaniement du plan des villages où ils avaient été construits, soit qu'ils aient donné naissance à de nouveaux villages, qui furent souvent un dédoublement d'établissements plus anciens, ont joué un rôle déterminant dans le développement et la répartition de l'habitat tel que nous le voyons encore de nos jours.

Carte du Plateau de Chastel-Marlhac par G. Fournier 1962 d’après le plan cadastral de 1827, complétée par les découvertes souvent fortuites d’objets archéologiques. Remarquer que la dépression glaciaire orientée S-N et située sur la droite du plateau, n’a pas échappé à l’observateur. L’autre dépression dans la partie gauche a longtemps été occupée par un lac, actuellement très réduit mais bien présent et jamais vu à sec entre 2000 et 2007. Le chemin de la « pourtita » est la seule zone non protégée par les falaises. En ce point la falaise s’efface, entaillée par un large vallon qui débouche sur un petit replat, lui même limité par des pentes abruptes. C’est sur ce replat qu’est situé le village. Signification des abréviations : L : lac actuel ; M : motte castrale ; V : village ; CP : chemin de la pourtita ; + : croix ; O : monnaies ; <> : tessons ; P : pointe de flèche.

II-C-2 Les caractères du château à motte

Le plan d'ensemble du château a motte, malgré de nombreuses variantes, se caractérise par sa simplicité et son efficacité. La motte forme le cœur du château. Il s'agit d'un tertre artificiel, en terre rapportée, de forme tronconique pouvant atteindre une élévation considérable. Au sommet, une palissade en bois couronne le bord de la motte. Elle entoure une tour carrée à étages, résidence du seigneur et de sa famille, mais aussi tour de guet et entrepôt à vivres du château. La motte était entourée d'un ou de plusieurs fossés circulaires qui l'isolaient complètement. Elle n'était donc accessible que par un pont en bois jeté par dessus le fossé et dont le caractère précaire apparaît dans un texte de Gautier de Thérouanne. Celui-ci raconte comment le pont d'accès d'une motte s'effondra sous le poids d'un trop grand nombre de personnes. La motte, conçue comme un réduit défensif, offre aux éventuels assaillants l'obstacle d'une pente raide qui les oblige à se présenter aux coups des défenseurs dans une position incommode.

Une enceinte entoure la basse-cour du château. Cette fortification constitue une première ligne de défense du château avec son fossé et sa levée de terre surmontée d'une palissade. Elle défend un espace réservé à l'exercice militaire et au logement des chevaliers en stage. La basse cour (ou bayle) comprend aussi une chapelle et les bâtiments d'exploitation rurale du seigneur. Elle sert enfin à accueillir la population paysanne en cas de danger. Ce plan type paraît avoir connu de nombreuses variantes de détail. La motte n'affecte pas toujours une forme circulaire. Elle peut être ovale, voire irrégulière. Son évolution a conduit vers des plateformes carrées de taille assez vaste et de date tardive. Les plus petites mottes rondes ont à peine de 20 à 30 mètres de diamètre. Dans certains cas il peut atteindre une centaine de mètres. Il est difficile d'apprécier leur hauteur car la plupart ont vu leur forme s'émousser avec le temps. Certaines mottes du département de la Marne ont encore de 10 à 20 mètres de hauteur (Poix, Baudement, Chavot-Courcourt, Vésigneul-sur-Coole). Le nombre des fossés varie également. Le plus souvent on en connaît un ou deux concentriques, séparés par une levée de terre. La motte d'Ormes (Saône-et-Loire) en présente trois. Dans certains cas limites, l'ensemble formé par la motte, ses fossés et ses levées de terre peut atteindre des dimensions considérables: à Villette-lès-Dole (Jura) le diamètre de la motte dépassait 150m, mais à Assebroek, en Belgique, il atteint 260 mètres.

La basse-cour représente un autre élément de différenciation. On n'en connaît d'ailleurs pas pour toutes les mottes. Lorsqu'elle existe, elle varie dans sa forme et sa superficie. La disposition la plus courante consiste à édifier une basse-cour ovale ou en forme de losange dont la motte occupe l'un des « angles ». C'est la disposition observée à Fressenneville (Somme), à Beaurain-Château (Pas-de-Calais) et à Villette-lès-Dole (Jura). A côté d'enceintes de grande taille (8 hectares au Puiset en Eure-et-Loir ; prés de 10 à Villette-lès-Dole), on connaît aussi des cas où la basse-cour se réduit à une modeste annexe de la motte (Gourmalon à Goven en Ille-et-Vilaine, où le bayle n'est pas plus étendu que la motte elle-même.

La présente photographie (octobre 2006) illustre la base motte castrale du plateau de Chastel-Marlhac. Il ne reste rien du fossé maintenant comblé situé à la base de la construction en pierres. De même pour les superstructures. Diamètre : 30 m. Mais des reconstitutions ont été réalisées à partir des observations dans d'autres régions de France (cf illustrations suivantes).

Reconstitution hypothétique d'une motte castrale rencontrée en France du Nord. Le château en bois est perché sur une motte de terre, entourée d'un large et profond fossé, et dont l'accès se fait par un pont. Une basse-cour entoure l'ensemble fortifié par un fossé palissadé. Aquarelle de reconstitution Jean-Claude Blanchet. Observer la motte, le village médiéval autour du château, des champs de petite dimension, l'église, le fossé avec escarpe et contrescarpe [escarpe et contrescarpe: talus respectivement intérieur et extérieur du fossé d'un ouvrage fortifié]. Pour plus de détails, voir le site: http://www.archeologie-aérienne.culture.gouv.fr/culture/arcnat/aerien/fr/

Illustration d’une motte dans « Vocabulaire de l’Architecture : principes d’analyse scientifique », XVII : Architecture militaire : le Château Fort. A: motte, B: donjon, C: fossé, D: rempart, E: palissade, F: barbacane. Ce dictionnaire précise pour motte: éminence artificielle créée pour servir de base à une place forte, à un donjon et assurer son commandement sur la campagne.

Construction d’une motte. Tapisserie de Bayeux (Normandie). Seconde moitié du XI° siècle.

Attaque d’une motte (Dinan, Bretagne) par les guerriers de Guillaume le Conquérant. Tapisserie de Bayeux (Normandie). Observer le fossé périphérique bien représenté et la méthode d’attaque de la motte. Les sites web pour une documentation sur la tapisserie de Bayeux sont nombreux voir par exemple :
http://www.mairie-bayeux.fr ;
fr.wikipedia.org/wiki/tapisserie_de_bayeux.

Photographie emprutée a G.Fournier (bulletin de GRHAVS n°20) montrant la base d'une motte castrale ici a proximitée de Vernols dans le Cézallier. Le double fossé périphérique est bien conservé.

Détail des fossés entourant la motte du Puy de Menoire. Essai de restitution de la fortification périphérique d’après les fouilles de 1975 et 1976 ; vue du nord-ouest. D’après archives O. Lapeyre.

II-D : Evolution de la construction castrale

Il faut dépasser le cas singulier de la forteresse de Chastel-Marlhac et tenter de déduire l'évolution de la construction durant le Moyen-Âge. Que peut nous dire Chastel sur l'évolution de la protection? Pour répondre nous relirons l'ouvrage de G. Fournier: (Chapitre IV) sur : La multiplication des châteaux et leur évolution page 329.

A partir du III° siècle, les invasions et les troubles intérieurs obligèrent les populations à aménager des places fortes et des lieux de refuge. Des enceintes furent construites autour des villes et, plus ou moins bien entretenues et remises en état (1), elles furent utilisées pendant tout le haut moyen âge jusqu'à ce que la renaissance urbaine du XI° siècle eut rendu nécessaire et possible leur reconstruction et leur agrandissement. Comme la plupart des anciennes cités, Augus-tonemetum eut son enceinte qui occupait le sommet de la butte au centre de l'agglomération : le rempart existait encore à l'époque carolingienne et délimitait le castrum de Clermont (2).

Les populations rurales, qui ne pouvaient pas toutes trouver refuge dans les enceintes urbaines, cherchèrent également à assurer leur sécurité. De nombreux vici furent fortifiés (3). Surtout des forteresses se multiplièrent un peu partout, soit par la mise en état de défense d'habitats occupés auparavant pour des raisons uniquement agricoles, soit par l'aménagement de sites défensifs négligés lors de la colonisation des premiers siècles de notre ère. Ces systèmes défensifs, dont la construction s'échelonne sur plusieurs siècles, évoluèrent peu à peu et leur étude permet de saisir comment on passa de la forteresse antique au château médiéval...

...Grégoire de Tours mentionne trois forteresses auxquelles Thierry se heurta lorsqu'il vint écraser la révolte aristocratique de l'Auvergne à la fin du premier tiers du VI° siècle. Deux d'entre elles (Vollore et Chastel-Marlhac) figurent dans le récit proprement dit de l'expédition, rapporté dans l'Histoire des Francs. L'auteur est revenu sur le siège de Vollore dans un chapitre de la Vie des Pères à propos de saint Quintien, évêque de Clermont. Quant à la troisième forteresse (Thiers) elle est signalée seulement dans un chapitre de la Gloire des Martyrs relatif à saint Symphorien. Dans ces conditions il y a tout lieu de penser que ces trois forteresses ne sont ni les seules dont Thierry fit le siège, ni même nécessairement les principales : Grégoire de Tours a parlé seulement de celles où se produisirent des événements remarquables qu'il jugea dignes d'être rapportés.

Pour ce qui concerne Castrum Meroliacense (Chastel-Marlhac), la description de ce castrum donnée par Grégoire de Tours, a souvent été citée (26), mais il convient cependant d'y revenir. Cette forteresse, désignée indifféremment par les termes castrum, castellum, munitio, caster (27) occupait, aux dires de l'auteur, une position naturelle très forte, défendue par de hautes falaises de cent pieds de haut, qui avaient rendu inutile la construction d'un rempart. Un étang, des sources et un ruisseau assuraient l'alimentation en eau potable des habitants de cette forteresse, qui était si vaste qu'ils y cultivaient des champs et y faisaient d'abondantes récoltes. Aussi, aux yeux de Grégoire de Tours, seule la lâcheté des assiégés explique la capitulation de la place devant les troupes de Thierry : une cinquantaine d'hommes, en effet, étaient sortis dans l'espoir de faire du butin, mais les Francs les firent prisonniers et menacèrent de les exécuter sous les yeux de leurs parents restés dans la forteresse ; ceux-ci préférèrent alors se rendre et se racheter par une rançon.

Le site, que Grégoire de Tours connaissait certainement, à en juger par la précision et l'exactitude de sa description, se présente comme un vaste plateau isolé de forme à peu près circulaire d'environ 700 m. de diamètre. Sa surface (une quarantaine d'hectares) est limitée sur la plus grande partie de sa périphérie par de hautes falaises basaltiques à peu près inaccessibles, sauf au Sud-Est. En ce point, en effet, la falaise s'efface : un vallon largement ouvert l’entaille et débouche sur un petit replat qui, quoique situé légèrement en contrebas du reste du plateau, est limité également par des pentes abruptes. L'église (28) et le village actuel sont installés sur ce replat dans un site qui n'est pas sans rappeler celui des établissements gallo-romains, mais qui était vraisemblablement compris dans la forteresse mérovingienne. Plusieurs cuvettes, encore aujourd'hui marécageuses, ainsi que des vallons bossellent la surface du plateau et gardent le souvenir de l'étang, des sources et du ruisseau mentionnés par Grégoire de Tours. Le plateau, aujourd'hui couvert de prés et de pacages, conserve un peu partout des traces d'anciennes cultures.

Quoique l'étude archéologique de ce site reste à faire, il ressort dès maintenant des quelques sondages qui y ont été pratiqués (30) que la forteresse du début du VI° siècle a été précédée par un habitat remontant au moins aux premiers siècles de notre ère (31), en relation aveu la forte densité du peuplement gallo-romain attesté par la toponymie dans la région qui, au Nord-Ouest du massif volcanique du Cantal, a pour centre la ville de Mauriac. Le nom et le site du village confirment cette origine. La forteresse mérovingienne de Marlhac apparaît ainsi comme un établissement dont les origines remontaient à l'Antiquité et qui avait des fonctions à la fois agricoles et défensives.

Notes. (26) Ch.   1.   com.,  cant.   Saignes,   arr.  Mauriac,  C.   -  EM  174 - SE  -  Fig.   17   et pi. III, A. Cf. G.T., HF, III, 13. Les historiens ont souvent ici-té ce. passage : Violet-le-Duc, 2509, t. 3, p. 61. -  Salin,  2524, t.  1, p.  432-433   et  507.

(27)Sur cette dernière forme cf. Bonnet, 2100, p. 348.

(28)L'église est mentionnée parmi les possessions de l'abbaye de Blesle en 1185 (Chassaing, 9608,  p. 20). Au début du XVI° siècle (Bruel, 9402, p. 146-147, n° 851) cette église était le siège d'un prieuré du monastère de Blesle et était dédiée à sainte Marie-Madeleine, envers qui les religieuses de Blesle paraissent avoir eu une grande dévotion (dans la bulle déjà citée de 1185 trois églises relevant de ce monastère étaient sous ce vocable).

(30)Au cours de l'été 1955 une équipe de fouilleurs parisiens ont découvert en plusieurs points du plateau des vestiges de l'époque gallo-romaine (tuiles à rebords, monnaies...).

(31)La nature du site fait penser que l'habitat gallo-romain a pu être précédé par une occupation celtique, dont le peuplement gallo-romain ne serait que la continuation. Le plateau de Chastel-Marlhac présente tous les caractères des oppida antérieurs à la conquête.