geo.cybercantal.net sommaire La Piste Verte et ses abords 5 - Chastel-Marlhac (présentation)
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I Le Plateau de Chastel-Marlhac : géographie, géologie

Présentation

Le rocher de Chastel constitue un point attractif essentiel du paysage pour qui circule dans la vallée de la Sumène, entre Ydes et Riom-es-Montagnes en utilisant aussi bien la voie de communication principale D3 que les voies secondaires qui lui sont parallèles. Dès le carrefour de "La Baraquette" où l'on quitte la route D922 joignant Mauriac à Bort-Les-Orgues (liaison Aurillac-Clermont), pour emprunter la D3 en direction de l'est vers Riom-ès-Montagnes, on entre dans un paysage particulier fait en premier plan de creux humides, les sagnes, de reliefs peu importants, et si l'on observe bien, de rochers de petite taille mais bien implantés sur les prairies vertes (les blocs erratiques). Au loin du côté sud des falaises impressionnantes limitent le regard: le rocher de Milhac, le rocher de Chastel, le Puy d'Augoules, le rocher d'Urlande. La forme cylindrique du rocher de Chastel constitue l'accroche principale et emporte la curiosité. Cette table volcanique permet depuis plusieurs points aménagés, d'observer la distribution des villages (sur les communes de La Monselie, Antignac, Vebret et Saignes) et, à une échelle différente, de se rendre compte de la succession des massifs volcaniques (Monts Dore, Cézallier, Cantal).

Les questions ne manquent pas : où sommes-nous ? quelle est l'origine d'une telle forme cylindrique ? pourquoi une profondeur aussi importante de la vallée ? quelle est la nature du terrain ?

Pour un bref historique du village de Chastel-Marlhac voir à l'adresse


http://histoire-locale.chez-alice.fr

Le Rocher de Chastel observé du nord vers le sud. Nous sommes à la périphérie nord du massif volcanique du Cantal. C'est la terminaison de la planèze de Trizac qui apparait en haut de la photographie. La plus grande partie du Rocher est occupée par une masse volcanique représentant un ancien lac de lave débarassé de son enveloppe périphérique.



A gauche le rocher de Chastel vu de l'ouest. A droite: zone aménagée sur la partie orientale du plateau. La table d'orientation permet une identification des principaux villages et reliefs sur la face est du plateau.



Présentation du paysage observé coté est, avec au premier plan la vallée du Violon, affluent de la Sumène, les villages de Prunet, La Monselie puis sur la droite Arfeuilles et La Fage ; à l'horizon, les reliefs d'Urlande et d'Augoules...



Nature géologique

Le rocher de Chastel est un ancien lac de lave. Les guides spécialisés précisent que c'est l'un des plus beaux exemples de lac de lave fossile en France métropolitaine. Ce lac était constitué de basalte. Ce qui est visible dans le paysage correspond à l'ancien cratère, très peu élevé comme tous les volcans de type hawaiien. C'est l'érosion périphérique qui donne l'impression de hauteur. Ce cratère était occupé par le lac de lave. Cette lave est constituée par un basalte vitreux. En minéralogie, vitreux ne signifie pas composé de verre tel que ce terme est habituellement compris (silice pure, transparente, proche d'un verre de bouteille) mais signifie amorphe, non cristallin. Les atomes constitutifs ne sont pas disposés selon un réseau régulier. Le "récipient" ou appareil éruptif qui ceinturait le lac a disparu. Il reste maintenant la lave figée en une sorte de massif cylindrique de 750 m de diamètre limité par des falaises d'une cinquantaine de mètres de hauteur au minimum. Par rapport au fond de la vallée de la Sumène la différence de hauteur est de 250m (altitude moyenne du plateau : 730m; altitude de Vebret : 480m). Le dégagement du "récipient" n'a pas été égal sur toutes les faces de l'appareil. Il est beaucoup plus prononcé coté nord (vallée de la Sumène) que côté sud. Sur cette face sud le terrain est plus résistant, constitué par la formation appelée Basalte des plateaux. Mais, fait plus important, le creusement de la vallée puis l'érosion glaciaire ou fluviatile ont été plus importants côté septentrional. Ce volcan est sorti au milieu d'une roche dure constituée d'un gneiss à biotite (mica noir) et d'un gneiss leptynique en profitant de différentes fractures qui ont affecté ces formations. En plus de la forme circulaire de l'ensemble, l'observation des prismations indique des sources de refroidissement diverses. Les prismations présentent des orientations différentes: la direction des prismes est horizontale à la base du rocher et verticale à proximité de son sommet. Les prismations se forment toujours en direction perpendiculaire à la source de refroidissement qui est la paroi latérale du récipient pour la base du Rocher et la surface du lac de lave pour la partie supérieure du Rocher. Dans le cas d'une coulée, la prismation est toujours verticale; les surfaces de refroidissement (interface sol-lave et interface lave-atmosphère) étant horizontales. En conclusion, le Rocher représente un lac de lave et non un fragment de coulée.

Deux aspects des orgues observés sur la face sud du plateau. La direction des orgues varie en fonction du niveau d'observation ; à gauche, au niveau de la route de Saignes : direction oblique ; à droite, à proximité du sommet : direction verticale.



Importance des traces glaciaires sur le Rocher de Chastel.

Ces traces glaciaires appartiennent à deux catégories: traces d'érosion et traces de dépôt. Les traces d'érosion sont essentiellement les vallées glaciaires à profil transversal en berceau et les roches lisses qui conduisent à définir les directions du mouvement des glaces. Les dépôts permettent d'expliquer la surface régularisée du plateau et l'imperméabilisation de cette surface, d'où la présence d'étendues d'eau stagnante. Les vallées glaciaires ne sont pas nombreuses : nous en avons détecté une seule en direction SN dans le prolongement du village de Chastel et venant du plateau de Bournioux. Cette vallée à profondeur très peu prononcée contient un alignement ou convoi de blocs erratiques. Elle est située à droite du plateau lorsque l'observateur regarde le N. Cette direction n'a probablement pas été fonctionnelle pendant longtemps: elle ne se retrouve pas dans la partie gauche ou occidentale du plateau. Ici les roches rabotées permettent de détecter une direction N270 (vers l'ouest). Cette direction est intéressante dans la mesure où elle permet de déduire une absence de l'appel du vide vers le nord. Certes on sait bien que la calotte glaciaire du Cantal avait un mouvement en direction ouest d'autant plus prononcé que l'on s'éloignait du centre de la calotte (pour plus de détails voir à l'adresse: "http://geo.cybercantal.net/" chapitre 13: les dômes phonolitiques du Nord-Cantal". Une autre raison peut être apportée pour expliquer cette absence de passage SN de la glace dans la vallée de la Sumène: c'est probablement le remplissage de la vallée qui ne permettait pas l'appel vers des zones basses. Les rares déversoirs SN en provenance de la calotte cantalienne (Ribes, Chastel) sont peu prononcés et ont probablement fonctionné tardivement après la fonte des glaces des niveaux inférieurs alors que les niveaux de plus haute altitude étaient encore alimentés. La fraicheur des blocs erratiques observés sur la partie orientale du plateau confirme ce dépôt récent. Ainsi il est possible de différencier des actions glaciaires d'âges différents bien que la fenêtre admise pour la glaciation du Cantal relève de la dernière période glaciaire.

De plus, il ne faut pas attribuer au lac de lave ancien (approximativement 5 à 7 MA), bien plus ancien que la période glaciaire (de 20.000 à 10.000 ans), une hypothétique platitude. Ce n'est pas une coulée mais un cratère. La solidification n'a pas été réalisée régulièrement : ainsi dans le sens vertical, elle a été hétérogène et plus rapide en surface. Ce qui a entrainé des discontinuités entre différents niveaux et la constitution de cavités par rétraction de la lave. Dans le détail on peut remarquer l'inclinaison de cette "table" avec le point le plus haut du côté oriental. L'irrégularité du substratum volcanique est bien marquée dans la partie centrale et a été mise à profit par les populations moyennageuses qui ont utilisé ces petites éminences pour établir des défenses. La partie ouest est occupée par de magnifiques prairies qui reposent sur un fond tourbeux, argileux qui a régularisé un relief tourmenté. Ainsi, contrairement à une idée répandue, la table basaltique est loin d'être totalement horizontale. Certes, la partie ouest est parfaitement plane mais ce caractère provient d'un comblement au moment de la période glaciaire. La partie orientale, dans la prolongation du village, est plus tourmentée, et les marques glaciaires telles que les blocs erratiques, les roches rabotées, les terrains tourbeux, sont bien visibles. Un caractère particulièrement marquant est constitué par une amorce de vallée représentant l'ancien passage d'une langue glaciaire, orientée approximativement SN. La calotte de glace recouvrant le massif du Cantal avait un mouvement général de l'est vers l'ouest sur sa bordure septentrionale. Mais au plus près de cette limite, elle a laissé échapper un diverticule qui a creusé un peu à l'ouest du village, sur le basalte de Bournioux et le basalte de Chastel, un chenal peu impressionnant par la taille mais au profil transversal caractéristique.

En conclusion, le glacier a apporté un cortége d'altérites qui ont modifié les qualités de la roche d'origine. Les diaclases et les failles, les cavités, qui permettent un transit rapide de l'eau, ont été comblées et le plateau est devenu imperméable.

Dépression allongée dans le sens SN peu impressionnant par le creusement limité, mais au profil transversal nettement glaciaire : fond plat et bords modérément relevés.



Blocs erratiques observés dans la dépression montrée sur l'illustration précédente. Ces blocs sont basaltiques et les colonnes, ou orgues, ont une orientation différente d'un bloc à un autre. L'effet du transport par les glaces et l'aspect "posé" des blocs erratiques sur le substratum se trouvent confirmés par l'orientation disparate des colonnes.



Le périglaciaire.

En période froide, sur les versants rocheux (Rocher de Chastel, Rocher de l'Aguyrou, Rocher d'Urlande), la gélifraction a été très active. Il s'agit de la fragmentation des roches sous l'effet des alternances de gel et de dégel de l'eau contenue dans la roche, plus précisement dans les fissures et les pores. L'augmentation du volume de l'eau infiltrée provoque l'élargissement des fissures et à la suite d'une série d'alternances gel-dégel, la rupture de la roche. Des matériaux de toute taille peuvent être ainsi détachés. Libérés sur le versant, ils alimentent de grandes accumulations de blocs et d'éclats: éboulis simples au pied des corniches dans lesquels les matériaux sont classés selon les lois de la gravité, les plus gros allant le plus loin sur le versant ; éboulis assistés ou flués, ainsi nommés parce que d'autres facteurs que la gravité interviennent, comme le glissement sur la neige ou le verglas.

Dans le cas présent, les bases du Rocher sur toutes les faces sont recouvertes d'un tablier important d'éboulis restés sur place. Ils sont de formation récente, durant la période périglaciaire qui a suivi la déglaciation ; dans le cas contraire, formés avant la glaciation, ils auraient été transportés. En fait, l'exploration des pentes au sud et au sud-ouest du Rocher (Serre, La Salvinie et nord de la Salvinie) permet de détecter des témoins glaciaires caractéristiques. C'est donc la première solution qui doit être retenue.

Deux conséquences du climat périglaciaire manifesté essentiellement par l'alternance de gel et de dégel : les éboulis de pentes (à gauche) et les blocs éclatés (à droite), ici à proximité de La Pouvrière.



Présence de l'eau

Les témoignages historiques mais aussi ceux relativement récents du début du siècle, font état de la présence abondante d'eau sur le sommet du plateau de Chastel. Encore récemment, un lac important était présent sur une partie du plateau. Il existe un bassin versant certes de petite superficie, mais surtout une dépression centrale qui permet d'expliquer la présence d'un lac. Certaines zones sont occupées par des tourbières et des personnes encore aujourd'hui (2006) témoignent de l'enfoncement d'engins de terrassement dans des terrains tourbeux et argileux. D'autres témoignages se rapportent à la pénétration verticale d'une tige métallique de 20m sans rencontrer le substratum dur. Les conditions du remembrement ont supprimé les arrivées d'eau sauvage dans la partie en dépression et le lac a perdu de sa surface. Cependant, les nombreux puits toujours actifs témoignent de la présence d'eau à faible distance de la surface.

A gauche: vue du plateau de Chastel à partir du village de Bournioux. C'est la partie la plus occidentale du plateau qui est montrée. L'origine marécageuse de cette zone est encore reconnaissable. A droite: lac actuel (Octobre 2006) situé à proximité de la falaise nord du Rocher. La présence de ce lac aussi près de la falaise confirme l'existence de cuvettes imperméables à la surface du Rocher. Présence de dépressions et imperméabilité de surface résultent d'une action glaciaire.