geo.cybercantal.net sommaire La flore fossile dans les diatomites de Murat
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Empreintes de la macroflore des diatomites de Murat

Les dépôts qui constituent la diatomite, représentent une accumulation de cellules microscopiques sur un rythme annuel. Les dépôts annuelles s’appellent les varves ; leur épaisseur est variable, autour de 0,5 mm. En estimant cette épaisseur constante sur toute la hauteur du dépôt, ce dernier aurait demandé 40000-50000 ans pour se constituer. Le dépôt d’une année est contrasté entre la partie printanière et estivale pauvre en matière organique, et la partie automnale et hivernale très riches en matière organique et frustules.

Cette diatomite n’est pas seulement constituée de frustules, on trouve aussi des grains de pollen et des empreintes de feuilles. Pour ce qui concerne la macroflore foliaire deux études récentes sont à notre disposition:

Legrand, P. 2003. Inventaire de la macroflore du miocène supérieur de la diatomite de Murat (Cantal, Massif Central, France). Ann. Soc. Géol. du Nord T10 (2em Série), p. 25-55.
Une sélection de quelques unes des 83 empreintes foliaires est donnée ici. (» voir images 1)

Roiron, P. 1991. La macroflore d’âge miocène supérieur des diatomites de Murat (Cantal, France). Implications paléoclimatiques. Paleontographica Abt. B, 223, 4-6: 169-203.
Une sélection de quelques unes des 80 empreintes foliaires est donnée ici. (» voir images 2)

Les éléments qui suivent sont tirés de ces deux articles. Pour toutes les illustrations, les dimensions données sont prises dans le sens de la nervure principale. Des illustrations réalisées à la suite d’une excursion récente sont aussi présentées. (» voir images 3)

Préparation des échantillons. Les échantillons sont toujours photographiés ou dessinés. Un traitement s’impose pour éviter que les spécimens se dessèchent et la matière organique se désagrège. Certains sont vernis, d’autres sont transférés et montés entre lame et lamelle dans du Baume du Canada ou de l’Araldite. La présence d’acides aminés et de protéines diverses a été mise en évidence, ce qui permet d’envisager une nouvelle approche des lignées évolutives. (Roiron 1991). Un procédé simple de conservation consiste en un badigeonnage à la colle vinylique à bois diluée dans de l’eau ((Legrand 2003).

La facilité de récolte des végétaux dépend du taux d’humidité de la diatomite qui conditionne son aptitude à la fissilité ainsi que l’adhérence des feuilles sur le substrat. Les débris ou fragments ne sont pas pris en compte mais la fréquence de certaines espèces est intéressante à connaître.

Affinité climatique . Par rapport aux nombreuses flores du Cantal étudiées au début du siècle, le gisement de Murat est le plus récent. La flore contient peu d’espèces thermophiles (22,2%) ; les éléments méditerranéens sont rares (5,5%) alors que les éléments tempérés ou froids sont abondants (72,2 %). Cette macroflore reflète un refroidissement net par rapport à ce qui est connu aux époques antérieures. Parmi les espèces d’affinité froide, on trouve des espèces d’altitude : Sapin et autres Gymnospermes, Bouleau, Acer (Erable) opulifolium . Dans ce contexte climatique, l’absence du Noisetier et du Hêtre est remarquable. Le Hêtre est le principal élément de l’étage montagnard du Massif Central et des Alpes. Paradoxalement il est présent dans toutes les autres macroflores miocènes du Cantal ( Fagus pliocenica ). Cette absence serait seulement apparente du fait que des grains de pollen de Fagus et Corylus sont présents, en petit nombre, dans les analyses de Murat. Pollen et feuilles ont probablement une dispersion différente, plus importante pour le pollen ; aux abords immédiats du lac, Fagus et Corylus étaient absents. En fait Legrand (2003) rapporte récemment la présence du Noisetier ( Corylus ) à Murat. Il précise aussi que certains genres fossiles identifiés par analyse pollinique n’ont pour l’instant, pas été identifiés à l’état de macrofossiles ( Castanea, Larix, Liquidambar , ....). En outre la macroflore révèle une diversité floristique plus importante que ne le laissent supposer les analyses polliniques.

Reconstitution de la végétation. Compte tenu de l’abondance des espèces présentes à Murat, les régions proches de l’ancien lac étaient couvertes par une forêt caducifoliée dominée par les Chênes, Charmes, Erables, avec d’autres espèces telles que Bouleaux, Tilleuls, Noyers, Zelkova, Ormes... Les Aulnes, Bambous et Roseaux vivaient probablement au bord du rivage du lac et le long des cours d’eau qui l’alimentaient ; les Gymnospermes vivaient plus haut, sur les pentes du massif volcanique. Roiron (1991) a recherché un modèle de comparaison dans les étages collinéen et montagnard. Le groupe d’espèces à affinités asiatiques qui est le plus abondant, a permis d’orienter les recherches. Les groupements végétaux comprenant les principales espèces de Murat sont retrouvés dans les montagnes du Nord –Est de la Chine (Mandchourie) entre 40 et 46 °Lat N. . Ils supportent un climat rigoureux ; ils reçoivent 500 à 1000 mm d’eau par an ; la température moyenne annuelle varie entre 2,5° C et 10°C ; celle du mois de janvier entre -6° et –18° C. Le nombre de jours de gel est de 150 à 200 par an.

Conclusion. La flore de Murat traduit un net refroidissement du climat. A quel moment cet événement s’est–il produit ? Deux datations K/Ar d’un filon de basalte qui traverse la diatomite donnent un âge moyen de –5,34 + 0,3 Ma donc au voisinage de la limite miocène-pliocène. La datation des gisements s’effectue actuellement par radiochronologie. L’utilisation de la macroflore en chronologie relative est maintenant abandonnée. Dans le cas précis de la flore de Murat, Boule (1905) lui avait déjà attribué un âge miocène supérieur. Cette limitation dans l’utilisation de la macroflore est due à deux raisons. Les flores miocènes-pliocènes sont réparties sur une période de temps restreinte relativement aux phénomènes géologiques; en conséquence elles sont soumises à une évolution réduite (ou non détectée par les observateurs) et apparaissent très proches les unes des autres. Les échantillons récoltés dans un gisement représentent, pour différentes raisons, une fraction de la flore de l’époque ; en conséquence la présence ou l’absence de certaines espèces peut modifier les conclusions d’ordre chronologique. En revanche les conclusions d’ordre écologique, par exemple les reconstitutions climatiques, restent justifiées.

Remarque : la diatomite n’est pas la seule roche qui fournit des empreintes. A côté des lacs qui se comblent lentement par les dépôts de diatomées et qui fournissent les empreintes des feuilles de la végétation alentour, existe un autre système de piége constitué par les dépôts de cinérite : roche pyroclastique à grain de taille inférieure à 2 mm, formée par accumulation de cendre volcanique. Nous présentons la carte des gisements de plantes fossiles du Cantal, établie par J. Jung 1946. La limite des formations volcaniques est indiquée par le trait en pointillé. Ces gisements sont constitués de lits de cinérite très fine disposés dans la brèche andésitique. Les flores des cinérites du Cantal s’échelonnent du Miocène au Pliocène supérieur. Actuellement beaucoup de ces gisements sont détruits ou épuisés.