geo.cybercantal.net sommaire Entre terre et eau : les zones humides d'Auvergne
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Entre terre et eau : les zones humides d’Auvergne

 Sommaire :

 1- Invitation à la découverte

 2-Vous avez dit zones humides ?

 3- Une histoire d’eaux

  • Mais au fait, d’où vient l’eau...? ...Et où va-t-elle ?
  • Quand l’eau rencontre la terre……Naissance et vie d’une zone humide

4- Terre et eau…un mariage réussi pour l’Homme et la Nature

  • Garantir la ressource en eau et sa qualité
  • Une richesse biologique de niveau européen

5- Entre plaines et montagnes… à la rencontre des milieux humides en Auvergne

  • Les milieux humides d’altitude
  • Les milieux humides de plaine

6- Des mesures de sauvegarde : …Que faire pour les zones humides ?

  • Une préoccupation internationale et européenne déclinée au niveau national
  • Les politiques nationales spécifiques de planification et d’orientation
  • Les principaux acteurs de la gestion des zones humides en Auvergne

 



1-Invitation à la découverte des zones humides

Cet ouvrage s’inscrit dans la volonté de la FRANE depuis 1995 de proposer au grand public des publications valorisant la richesse de la nature en Auvergne.

 Nés de l’union de la terre et de l’eau, les milieux humides arborent mille et une facettes à découvrir en Auvergne. Les allures de toundra d’une tourbière, évoquant presque le Grand Nord, le miroir aux multiples reflets d’un étang, un Héron figé au bord d’un marais dans l’aube grise, un ballet de Libellules dorées au soleil, les teintes multicolores d’une prairie humide en fleurs, le frémissement des roseaux sous le vent… sont des figures évocatrices des zones humides, qui ne peuvent nous laisser indifférents.

Lieux un peu inquiétants et mystérieux aux yeux de beaucoup d’entre nous, les marais, tourbières, étangs, prairies, forêts alluviales, bras morts et autres milieux humides sont pourtant à l’origine de richesses abondantes ; leur importance pour la diversité du monde animal et végétal est aujourd'hui bien connue. Mais à travers eux, c’est d’abord le cycle de l’eau, source de toute vie, qui est en jeu.

 Nous souhaitons que cette modeste contribution puisse vous aider à aller à la découverte des zones humides et à comprendre le rôle qu’elles jouent dans les équilibres naturels. Comment se forment-elles et quelles sont leurs fonctions dans le régime des eaux… sont les deux questions auxquelles nous avons d’abord essayé d’apporter une réponse, aussi simple que possible. Mais c’est par la description des principaux milieux humides présents sur le territoire régional, et par les richesses qu’ils recèlent, que vous comprendrez mieux l’importance que peuvent avoir ces milieux et la nécessité de les préserver.

 Mieux encore, ce guide vous invite à chausser vos bottes, à vous saisir d’une paire de jumelles et à partir à la découverte de quelques sites, retenus pour leur intérêt écologique particulier.

 Comme tout bon promeneur, nous vous remercions de veiller au respect des lieux que vous traverserez… Un pied trop rapidement posé peut écraser une espèce très rare, un déchet laissé sur place contribuera à la dégradation du site, un bruit intempestif causera le dérangement de la faune sauvage… Triviales recommandations pour des milieux particulièrement fragiles et déjà tellement abîmés par l’Homme ! Respectez également les indications de propriété privée, certains sites n’étant pas libres d’accès.

 Une prise de conscience en faveur des zones humides commence à se faire jour. Mais la mise en œuvre d’actions de protection ou de conservation efficaces ne se fera qu’avec l’appui de tous, et celui-ci passe en premier lieu par la connaissance. Nous espérons que ces quelques pages y contribueront.

 Pour ceux qui voudront en savoir plus, des références à des documents plus détaillés, ainsi que des contacts où se renseigner sont listés en fin d’ouvrage. Une astérisque près de certains mots renvoie à un lexique proposant une définition. Les espèces protégées au titre d’une réglementation nationale ou régionale, citées dans ce document, font l’objet d’un tableau récapitulatif en dernière page.

 L’Equipe de la FRANE

2- Vous avez dit zones humides ?

 Sous cette expression, il est vrai, peu attrayante et peut-être même quelque peu insolite pour le « non-initié », se cache une très grande diversité de milieux naturels, souvent associés les uns aux autres, aux richesses et aux intérêts multiples.

 La convention de Ramsar de 1971, relative à la conservation de zones humides d’importance internationale, définit ces milieux comme « des étendues de marais, de fagnes, de tourbières ou d’eaux naturelles ou artificielles, permanentes ou temporaires, où l’eau est stagnante ou courante, douce, saumâtre ou salée, y compris des étendues d’eau marine dont la profondeur à marée basse n’excède pas six mètres. »

En France, la loi sur l’eau du 3 janvier 1992 définit juridiquement les zones humides comme des « terrains exploités ou non, habituellement inondés ou gorgés d’eau douce, salée ou saumâtre de façon permanente ou temporaire » ; le contenu de la loi donne également des indications de caractérisation et précise que « la végétation, quand elle existe, y est dominée par des plantes hygrophiles* pendant au moins une partie de l’année ».

 Espace situé entre la terre et l’eau, une zone humide n’est pas nécessairement recouverte d’eau et peut être régulièrement… « sèche », n’en restant pas moins une zone humide !

 N’est pas abordée dans cet ouvrage la notion de zones humides au sens large incluant les ruisseaux et cours d’eau aux eaux vives, les lacs ; ces milieux aquatiques d’eau profonde mériteraient un document à eux seuls.

 Sont retenus par contre, les étangs qui se différencient des lacs par une profondeur insuffisante pour permettre des conditions de vie différentes entre les couches superficielles et le fond du plan d’eau ; cette faible profondeur conduit souvent à l’envahissement de l’étang par la végétation. Si l’étang en lui-même constitue une zone humide, c’est surtout sa ceinture et les milieux qui l’environnent qui permettent de qualifier la zone dans son ensemble.

 Concrètement, l’identification sur le terrain d’une zone humide peut reposer d’abord sur l’observation. Ainsi, au cour d’une promenade estivale, vous remarquerez peut-être une tache d’un vert un peu plus soutenu dans le paysage. Lorsque vous y serez parvenu, peut-être même y mouillerez-vous un peu vos chaussures. Seriez-vous dans une zone humide ?

La physionomie des lieux vous aidera dans votre exploration. Par exemple, en terrain accidenté, il est habituel de trouver une zone humide dans une dépression, ce qui est moins perceptible en plaine. La végétation confirmera votre diagnostic. Elle est en effet habituellement typique, dominée par des plantes hygrophiles telles que Laîches (Carex), Joncs, Cirse des marais, Reine des prés…, mais elle prend aussi des aspects surprenants, comme nous le verrons.

Les spécialistes, pour caractériser le milieu en question, se pencheront, plus scientifiquement, sur des critères supplémentaires, tels que l’hydrologie : notamment la façon dont la zone est alimentée en eau, l’engorgement du sol ou la périodicité avec laquelle il se fait.

Simples profanes, mais curieux, un simple coup d’œil alentour accrochera notre regard à la présence éventuelle d’un ruisseau ou d’une source.

 Des noms de lieux humides témoins d’une culture, héritages du passé…
Une autre façon de découvrir les zones humides est l’étude de l’origine de leurs noms. La toponymie locale, riche, suggère l’abondance de ces milieux. Beaucoup ont hélas disparu et ne survivent qu’au travers de leurs noms !
L’eau, nécessairement présente dans la vie d’une zone humide, a influencé bon nombre de dénominations. Lorsqu’elle abonde en sources, ce sont les « fonts » ; quand elle se rassemble en un même lieu, ce sont les « couffous » ; quand elle imbibe des prairies, ce sont les « mouillères » ; quand elle stagne, ce sont les « sagnes ». La « narce » ou « narse » désigne une zone humide généralement située dans un creux, souvent de vastes étendues marécageuses où l’eau affleure à certaines périodes de l’année ; le « lacou », une petite dépression remplie d’eau. Le terme « limanna, limagne » est lié à la nature du sol (limon, vase).
La végétation a également inspiré l’appellation des milieux humides : les Bouleaux ont donné « les besses », les bois d’Aulnes, « les vergnes », les Linaigrettes dans l’Artense, les « barbas ». Certains vocables font allusion à l’exploitation de ces milieux par l’Homme, telles « les mines », voire à son désir de les assainir, telles « les rases ».


 3-Une histoire d’eaux

3A- Mais au fait, d’où vient l’eau...?

 En Auvergne, les précipitations, sous forme de pluies ou de neige, sont généreuses. Quelques 25 milliards de m3 de pluie tombent en moyenne annuellement sur la région, l’une des plus « privilégiées » de France !

 L’influence océanique qui domine globalement le climat régional en est en grande partie responsable. Si Clermont-Ferrand échappe à cette tendance, il en est autrement des plateaux de l’ouest et des massifs volcaniques. Les précipitations annuelles peuvent en effet dépasser deux mètres, sur les Monts du Cantal. Elles sont maximales en hiver, souvent sous forme de neige. Mais il existe des variations géographiques importantes, engendrées par un relief contrasté. Ainsi, les plaines centrales bénéficient d’une influence plus continentale. Les précipitations, modestes, ont lieu principalement en fin de printemps et l’été sous forme de violents orages.

 Une influence méditerranéenne s’exerce quant à elle, sur l’extrême sud-est, Margeride et Velay, où elle se manifeste essentiellement par de fortes et soudaines pluies automnales, la pluviométrie restant élevée.

 

 ...Et où va-t-elle ?

 L’eau ruisselle

Selon, notamment, le degré d’imperméabilité du sol, une part plus ou moins importante des eaux de précipitation ruisselle. Cette eau superficielle approvisionne alors directement les rivières.

 L’eau s’infiltre

Une autre part s’infiltre dans les sols, plus ou moins vite selon leur nature. Elle imbibe ces derniers, qui l’emmagasinent, constituant ainsi des réserves, en particulier dans leurs couches superficielles. Cette eau, devenue souterraine, continue de circuler ; elle pourvoit ainsi à l’alimentation des nappes phréatiques*, des sources et des résurgences*.

 L’eau s’évapore

Enfin, une partie de l’eau qui tombe s’évapore et/ou est transpirée par les végétaux. C’est l’évapotranspiration. Cette eau, redevenue atmosphérique, donnera à nouveau pluies, neige et brouillard.

Ainsi, sur les 25 milliards de m3 annuels de pluie qui nous tombent sur la tête, environ 10 repartent dans l’atmosphère, 11,5 se retrouvent dans les ruisseaux et rivières et 3,5 alimentent directement sources et nappes souterraines (cette eau repartant en partie dans les cours d’eau).

 3B- Quand l’eau rencontre la terre…

 Il est difficile de comprendre la formation des zones humides sans aborder quelques notions de géologie.

 · Les roches cristallines, granite, gneiss et micachistes, constituent une grande partie de la région Auvergne. Ce sont des roches imperméables, où l’eau ne s’infiltre pas profondément, mais ruisselle en surface, ou bien circule dans la mince couche de sol perméable. Elle réapparaîtra tôt ou tard à l’air libre sous forme de sources.

 · Les roches volcaniques, caractéristiques de la région, sont plus perméables. L’eau peut s’infiltrer en profondeur, même dans des roches apparemment aussi compactes que les coulées de basalte de la Chaîne des Puys, présentant en réalité de nombreuses fissures. L’eau circule alors souvent longtemps avant de réapparaître au jour sous forme de résurgences qui peuvent être abondantes.

 · Les alluvions, déposées autrefois par les cours d’eau sont très perméables et poreuses. Elles emmagasinent une quantité d’eau considérable.

 Les alluvions sont présentes surtout en plaine. D’épaisseur variable, de quelques mètres à une vingtaine de mètres, elles reposent sur un sous-sol plus imperméable, constitué de marnes ou d’argiles, qui forme ainsi le « fond » de ce réservoir nommé « nappe alluviale ». Celle-ci est en communication avec un cours d’eau. De magnifiques secteurs alluvionnaires existent sur la Loire et ses affluents, surtout l’Allier.

 La circulation de l’eau conditionne le fonctionnement des zones humides.

 · Les eaux de surface, ressources abondantes…

 L’Auvergne se caractérise par la présence d’un important réseau de cours d’eau, témoin d’une intense circulation de l’eau en surface. Dans les montagnes bien arrosées, de nombreuses sources donnent naissance à une multitude de ruisseaux, torrents au départ, puis cours d’eau qui ont entaillé les plateaux en gorges étroites et s’écoulent dans des vallées en étoile.

 Ce chevelu hydrographique dense alimente deux bassins versants* bien distincts en Auvergne : celui de la Garonne au sud-ouest (dit « Adour-Garonne »), avec la Dordogne et le Lot, et le bassin de la Loire au nord (dit « Loire-Bretagne »), avec ses principaux affluents que sont le Cher et l’Allier. Ce dernier occupe les trois quarts du territoire régional.

 Cette configuration particulière de l’Auvergne la situe du point de vue hydrographique comme une région importante dite de « tête de bassin », c’est à dire où de nombreux cours d’eau prennent leur source. Elle est aussi souvent qualifiée de « château d’eau de la France », même si certains experts discutent cette réputation.

 · Les eaux souterraines, ressources précieuses…

 L’eau est également présente dans les parties souterraines, même si les réserves qu’elle constitue ne sont le plus souvent qu’à quelques mètres de la surface.

Citons néanmoins des réserves profondes d’importance majeure, à cent mètres et plus, telles celles du massif de la Chaîne des Puys qui alimente notamment la source de Volvic. En surface, on ne trouve pourtant aucun ruisseau.

 Les nappes alluviales se caractérisent par leur capacité, certes à retenir l’eau, mais aussi à la restituer, lentement, lors d’épisodes sans pluie. Ce processus présente l’intérêt d’améliorer, par filtration en particulier, la qualité de l’eau. Les plus productives en Auvergne sont d’ailleurs exploitées pour les besoins en eau quotidiens.

La nappe alluviale de l’Allier renferme quelques un à deux milliards de m3 d’eau (soit dix fois plus que le barrage réservoir de Naussac) et assure 60% de l’alimentation en eau de la région.

 …Naissance et vie d’une zone humide

 L’eau nécessaire à la formation des milieux naturels humides peut donc avoir trois origines : les précipitations, les eaux superficielles et les eaux souterraines.

 L’approvisionnement plus ou moins abondant en eau, la capacité du sol à retenir cette eau, la géologie, le relief, la présence de cours d’eau,…, sont autant de facteurs qui déterminent la formation des zones humides et orientent leur fonctionnement. Dans une cuvette creusée dans un sous-sol imperméable, l’eau, peu importe son origine, stagne. Une zone humide se constitue. C’est le cas le plus fréquent ; les cuvettes pouvant être issues en Auvergne d’évènements climatiques (retrait des glaciers) ou volcaniques. De multiples autres genèses de zones humides existent. Hormis les étangs, marais et tourbières, mieux connus et appréciés, les environs d’une rivière, d’une source ou d’une résurgence, le long ou le bas d’une pente, un replat de terrain imperméable peuvent permettre à des zones humides de s’installer et présenter une richesse multiple.

 Le fonctionnement des zones humides et les enjeux liés à leur préservation pour la ressource en eau sont fondamentaux.

 La capacité à stocker l’eau et à la restituer peut constituer un critère déterminant de classification d’une zone humide :

 · Certaines zones humides collectent les eaux de ruissellement, les stockent, puis les restituent sous la forme d’un ou plusieurs exutoires*. Ce sont généralement les zones humides de fonds de vallons, situées en montagne, dans les têtes de bassin (schéma 1).

Les zones humides liées à l’existence des grands cours d’eau, en plaine, stockent également l’eau pour la restituer.

· D’autres zones humides indiquent une circulation d’eau, des résurgences ou des sources. Elles ne jouent habituellement pas de rôle important dans le stockage de l’eau. Elles sont souvent situées le long de pentes (schéma 2).

· Il existe aussi des zones humides qui retiennent l’eau mais, qui ne la restituent que par évapotranspiration (schéma 3).

 L’eau dans une zone humide circule donc : elle apparaît et disparaît, va et vient, notamment au gré des saisons et des évènements climatiques. Certaines zones humides ne doivent par exemple leur existence qu’aux phénomènes de crues, telles les prairies d’inondation et certaines zones alluviales.

 Aussi, les milieux humides changent périodiquement, marqués par les variations de la quantité d’eau présente. Superficie de sol engorgé ou inondé, débit, profondeur et rythme avec lequel les fluctuations du niveau d’eau ont lieu, sont autant de paramètres qui influent sur les caractéristiques d’une zone humide et sur les peuplements animaux et végétaux qu’elle abrite.

 La qualité de l’eau est un élément également capital dans le fonctionnement d’un milieu humide. La présence de polluants, de substances nutritives, de matières en suspension…, dans l’eau qui alimente la zone humide peut nuire à son bon fonctionnement et avoir un impact négatif sur sa faune et sa flore.

4- Terre et eau…un mariage réussi pour l’Homme et la Nature

Garantir la ressource en eau et sa qualité

En stockant et restituant l’eau, les zones humides interviennent de façon importante dans la régulation du volume des eaux. Telles des éponges, elles stockent de grandes quantités d’eau lors de périodes pluvieuses. Elles permettent ainsi l’amortissement des crues et diminuent leur intensité en retardant les apports en eaux pluviales dans les cours d’eau qu’elles alimentent.

 Elles restituent progressivement cet excès d’eau emmagasiné, lors de périodes de sécheresse, soutenant le débit des cours d’eau à l’étiage*. En retenant l’eau, elles assurent également, pour certaines d’entre elles, l’alimentation des nappes phréatiques superficielles.

 De plus, les zones humides permettent l’épuration des eaux. Tel un filtre mécanique, elles piègent en effet les matières en suspension dans l’eau et favorisent leur sédimentation. Les racines des végétaux absorbent des substances telles que nitrates et phosphates, responsables de l’eutrophisation* des rivières. Ces nutriments sont aussi transformées par des micro-organismes, des bactéries ou des champignons…

 Les zones humides constituent ainsi des filtres biochimiques, qui interceptent même pesticides et métaux lourds. Cette faculté d’épuration dépend du temps durant lequel séjourne l’eau dans le milieu mais surtout de la quantité de polluants initiale.

 Stations d’épuration naturelles, le principe de fonctionnement des zones humides est reproduit dans des bassins appelés de " lagunage " pour le traitement des eaux usées domestiques.

 

 

Une richesse biologique de niveau européen

 Les milieux humides abritent une flore et une faune très diversifiées et originales. Ils constituent de véritables « réservoirs de diversité biologique ». Certains végétaux et animaux sont spécifiques à ces milieux et adaptés aux variations d’humidité qui les caractérisent, ou à d’autres conditions de vie particulières comme le déficit en oxygène, l’acidité de l’eau et le climat froid régnant dans les tourbières. De nombreuses espèces animales sont liées à ces milieux et les fréquentent de façon privilégiée pour s’y reproduire, s’y nourrir, s’y reposer ou s’y réfugier. La survie des Oiseaux d’eau, Crapauds, Grenouilles, Tritons, d’animaux comme la Loutre et le Castor, du Brochet, ou encore des Libellules, dépend de la présence de milieux humides. Certaines espèces rares et menacées, inféodées* aux zones humides, présentent en Auvergne leurs plus fortes densités sur le territoire national (Ligulaire de Sibérie, Cuivré de la Bistorte…) ; d’autres sont représentées en France quasiment uniquement sur le sol auvergnat (Saule des Lapons, Bouleau nain, Lysimaque à fleurs de thyrse…).

 Cette diversité et cette originalité biologiques sont présentées plus en détail dans les pages qui suivent illustrant les différents types de milieux humides rencontrés dans la région.

 

Utilité des zones humides…

Contribuant à la prévention des crues et des inondations, à la préservation, voire à l’amélioration, de la qualité des eaux, les zones humides sont des instruments essentiels de la gestion qualitative et quantitative de l’eau dans un bassin versant.

De nombreux usages liés à l’eau, telle que l’alimentation en eau potable, dépendent du bon fonctionnement de ces milieux.

Sachez qu’un ensemble de zones humides équivaut à un barrage d’écrêtement* des crues ou à un barrage réservoir de soutien d’étiage, ou encore à une station de traitement ou d’épuration des eaux…

Les zones humides sont des biens collectifs à forts enjeux ; leur conservation constitue incontestablement une économie financière importante à la collectivité face à des aménagements lourds parfois peu efficaces.



5- Entre plaines et montagnes, à la rencontre des milieux humides en Auvergne

Les milieux humides d’altitude

 Suivons le parcours de l’eau… Partons tout d’abord des sommets, là où les cours d’eau prennent naissance et arrêtons-nous plus spécifiquement sur deux milieux bien représentés en Auvergne : les tourbières et les prairies humides.

 · Les tourbières, saignes, fagnes....

 Des conditions strictes et bien particulières sont nécessaires à la formation des tourbières : une eau abondante, peu minéralisée, stagnant en permanence et un climat froid.

C’est pourquoi elles se sont installées plus spécifiquement à la faveur de dépressions imperméables qui piègent l’eau, là où il fait froid et où les précipitations sont abondantes : dans les zones de montagnes d’Auvergne, principalement dans le Cézallier et l’Artense.

On recense dans les Monts d’Auvergne, quelques 400 à 500 sites, occupant au total plus de 4 000 hectares et faisant de la région Auvergne l’une des plus riches de France. Leur superficie peut varier de quelques dizaines de m2 à plusieurs dizaines d’hectares (voir exemples de sites p. 33, 34 et 37).

Les eaux acides des tourbières favorisent le développement important d’une végétation spécifique, comme des Mousses, appelées Sphaignes, véritables « bâtisseuses » des tourbières. L’absence d’oxygène, liée à la saturation permanente du sol en eau, empêche la dégradation des parties mortes de ces végétaux.

 Leur accumulation conduit à la formation d’une « roche fossile » : la tourbe. L’acidité du milieu, le froid et la croissance rapide et quasi ininterrompue des Sphaignes contribuent aussi à la formation de la tourbe.

 Vieilles de plusieurs milliers d’années, les tourbières ont une longue histoire ! Elle commence il y a quelques 12 000 ans lorsque, suite au réchauffement climatique, les grands glaciers qui recouvraient les hautes terres de l’Auvergne se retirèrent. Ils laissèrent derrière eux de nombreuses cuvettes. Celles-ci, avec les anciens cratères de volcans et les coulées de lave venues barrer des vallées, constituèrent des dépressions favorables à l’accumulation de l’eau. Ce contexte est également à l’origine d’autres types de zones humides d’altitude.

 Eau abondante et végétation changeante !

 L’intérêt des tourbières réside en particulier dans leur fabuleux pouvoir de rétention d’eau. L’eau représente en effet au moins 85 % du volume de la tourbe et les Sphaignes peuvent en stocker jusqu’à 30 fois leur propre poids sec.

Les tourbières interviennent ainsi dans la régulation et l’alimentation des cours d’eau situés en aval, auxquels elles donnent d’ailleurs parfois naissance.

 En Auvergne, de nombreuses tourbières sont le plus souvent, dans leur premiers stades de développement, alimentées par des eaux ayant été en contact avec le sol (eaux de ruissellement et/ou d’infiltration). Ces eaux s’accumulent dans une cuvette ou à la faveur d’une rupture de pente, la tourbière étant alors dite « de pente ». Au cours de son évolution, suite à l’accumulation de la tourbe, la tourbière se bombe. Elle est alimentée essentiellement par les eaux de précipitation. La végétation s’est développée, des arbres ont colonisé le site et pompent l’eau en grande quantité. La tourbière s’assèche.

 

Un monde vivant original

 Acidité, froid, déficit en oxygène et en nourriture… il ne fait guère bon vivre aux pays des tourbières ! Et pourtant, une flore prestigieuse s’y développe et invente de véritables stratégies de survie face à une telle inhospitalité :

- La petite taille des plantes permet de résister au froid et au vent. Certaines, comme l’Andromède, protègent leurs fragiles tissus en repliant leurs feuilles sur elles-mêmes.

- Les tissus végétaux des Laîches, des Trèfles d’eau, des Comarets et des Prêles, sont équipés de petits tubes amenant l’air à leurs tiges et à leurs racines, leur permettant ainsi de respirer.

- La pauvreté en éléments minéraux nutritifs du milieu oblige certaines plantes des tourbières, peu gourmandes par nature, comme la Linaigrette, à développer de profondes racines dans lesquelles elles emmagasinent des réserves. D’autres, dites « carnivores », capturent des petits insectes dans leurs feuilles et les digèrent grâce à des substances chimiques. C’est le cas de la Grassette ou encore de la Drosera, figure emblématique des tourbières, au nom pourtant si charmeur de « Rosée du Soleil ».

 Autre curiosité des tourbières : les plantes nordiques, aux noms souvent évocateurs, véritables relictes* des glaciations parmi lesquelles la Ligulaire de Sibérie, le Saule des Lapons et le Bouleau nain.

 La faune des tourbières, moins abondante et moins spectaculaire que la flore, apparaît souvent peu attirante, parfois étrange : des Mouches et Moustiques, dont les ailes sont atrophiées pour éviter d’être emportés par le vent, des Araignées plongeuses (Dolomède, Argyronète…), ou encore des Reptiles qui incubent leurs oeufs jusqu’à éclosion, comme les discrets Lézard vivipare et Vipère péliade. Plus attrayantes sont les espèces de Libellules inféodées à ces milieux et les Papillons, comme le Nacré de la Canneberge, qui y trouvent leur plante nourricière. La Grenouille rousse est également une habituée des lieux. Peu d’Oiseaux sont typiques des tourbières, à l’exception du Pipit farlouse qui y niche. Cependant, elles servent de garde-manger et de halte migratoire à bon nombre d’espèces d’Oiseaux, souvent rares, comme la Bécassine des marais ou les Busards.

 · Les prairies humides « temporaires »

Généralement de modestes étendues, les zones humides d’altitude peuvent présenter beaucoup d’autres apparences, se formant dans des conditions moins strictes que pour les tourbières. C’est le cas, très répandu, des prairies humides qui occupent les plateaux d’altitude comme dans le Devès et sur la Planèze de Saint-Flour, ou les fonds de vallon. A la différence des tourbières, leur sol est inondé ou saturé par de l’eau mobile de façon généralement temporaire. La présence d’eau dans le sol et la richesse en éléments minéraux nutritifs, offrent dans les prairies humides une végétation plus fournie et plus élevée que dans la prairie ordinaire. En général, les prairies humides ne sont pas fauchées, en raison du développement de plantes rudes, peu attirantes pour le bétail, et de l’existence d’un sol meuble peu accessible aux engins agricoles mécanisés.

 Des fleurs et des couleurs

 Les prairies humides s’identifient, en dehors d’une végétation luxuriante et colorée, par des plantes caractéristiques. Ainsi, au printemps, les belles fleurs jaune vif du Populage ornent la prairie, alors que la végétation démarre à peine. En mai-juin, les corolles roses de la Lychnide Fleur-de-Coucou tranchent avec les taches bleues du Myosotis des marais. Les Reines des prés envahissent la prairie l’été. Du printemps à l’automne, les hautes tiges épineuses du Cirse des marais, coiffées d’un petit bouquet de capitules mauves, sont également un indicateur.

En montant en altitude, au dessus de 700 m environ, la Renouée bistorte peut colorer en rose des prairies entières ; on rencontre plus rarement le Trolle, aux grosses fleurs en boules jaunes.

 Les prairies humides changent de physionomie sous la pression forte du pâturage. Les animaux d’élevage sont incités à consommer des végétaux dont ils ne sont guère friands. La diversité floristique s’appauvrit considérablement et les espèces les moins attirantes tels les Joncs et les Laîches se développent si elles ne sont pas prélevées comme cela se fait parfois pour la litière.

 Flore et faune associées

 La flore des prairies humides attire de nombreux insectes, notamment des papillons. En début d’été, l’Argus satiné butine les fleurs de Cirse. La chenille du Cuivré de la Bistorte vit sur la Renouée bistorte, tandis que l’adulte se nourrit sur les fleurs de Populage et de Myosotis. Terrain de prédilection de nombreux Oiseaux, le Tarier des prés fait entendre son chant dès la mi-avril et on peut y observer le Vanneau huppé et le Courlis cendré.

 Un rôle hydrologique primordial

 Les prairies humides d’altitude, qui sont situées en fonds de vallon, indiquent généralement un secteur de collecte des eaux de ruissellement venant des pentes. La prairie régularise alors par sa capacité de stockage en eau le débit d’un ruisselet qui sert d’exutoire. Les prairies humides jouent ainsi un rôle fondamental de rétention et de stockage de l’eau pour les périodes sèches. Plus rarement, elles indiquent des sources et une circulation d’eau.

 Les milieux humides de plaine

 En plaine, les zones humides ont été hélas détruites pour l’essentiel. Les Limagnes d’Auvergne ne gardent que de rares témoins des vastes marais et roselières qui les occupaient. Cependant, certains territoires sont riches en étangs et les grandes vallées alluviales représentent un ensemble important du patrimoine naturel régional.

 · Les marais et les étangs

 Des vestiges précieux

Les milieux humides de plaine ne se comptent guère plus que « sur les doigts de la main ». La Limagne par exemple, à l’est de Clermont, si marécageuse il y a quelques siècles ou même encore il y a quelques dizaines d’années, a vu ses vastes marais disparaître ou s’amenuiser. Drainés, remblayés, quelques traces demeurent sous forme de prairies, de friches et pré-bois, ou bien de fossés. Au cœur de secteurs agricoles, les anciens marais, fréquemment pâturés, ont un intérêt floristique faible et seuls les peuplements ordinaires des zones humides tels Roseaux, Massettes, Laîches et Joncs se maintiennent. L’intérêt faunistique s’apprécie essentiellement par la présence d’une certaine avifaune. Coutumiers des milieux humides, les Canards colverts y sont fréquents, aux côtés de quelques Oiseaux devenus rares et menacés : Fauvettes aquatiques, Bruants des roseaux.… Tout surpâturage de ces marais fait perdre une partie de leur intérêt écologique.

 Les marais encore intacts, représentés sous forme relictuelle* dans la plaine, évoluent naturellement vers des roselières, constituées de peuplements végétaux compacts et uniformes qui ceinturent également les plans d’eau. Caractérisée essentiellement par les Roseaux, dont les hautes tiges sont surmontées de houppes de fleurs d’un ton roux clair, la roselière colonise rapidement les eaux peu profondes. En automne, elle revêt un aspect cotonneux lorsque les Massettes dominent. La roselière accueille de nombreux Oiseaux. Elle est d’ailleurs indispensable à certaines espèces qui y nichent telle la Rousserolle effarvate. Les roselières contribuent également à l’épuration des eaux.

Ces milieux ont fortement régressé en Auvergne ; des sites comme Le Crest ou Bansat dans le Puy de Dôme nécessitent une sauvegarde définitive.

 Des étendues d’eau artificielles

 En Auvergne, seuls de nombreux étangs artificiels ont été conservés, notamment dans le département de l’Allier. Plus de 600 étangs sont ainsi répertoriés en Sologne Bourbonnaise (voir p. 38, 39) et également quelques uns dans la forêt de Tronçais, parmi les plus vastes.

 Construits par l’homme en barrant par une digue une dépression sur sol imperméable, leur création remonte généralement au Moyen-Age, certains ayant été construits plus récemment à des fins cynégétiques ou piscicoles.

 Ces eaux stagnantes sont alimentées par des eaux de surface, le plus fréquemment par une source, un ruisseau, un fossé, ou par la dérivation d’un cours d’eau. Le niveau d’eau est généralement assez stable ; des déversoirs et des ouvrages de vidange permettent de le contrôler.

Certains plans d’eau ont été constitués à partir du simple creusement d’une cuvette dans le sous-sol, là où la nappe phréatique affleure. C’est le cas des étangs du secteur des Varennes dans le Puy-de-Dôme qui sont en contact avec la nappe et alimentés par celle-ci. Le niveau de leurs eaux varie simultanément avec celui de la nappe. Leurs caractéristiques sont différentes des étangs précédemment cités. Par exemple, leurs berges sont creusées de façon abrupte ce qui limite le développement de la flore. Leur faune est aussi généralement plus pauvre.

· Une flore généreuse, source de vie

 De faible profondeur et de superficie ordinairement réduite, les étangs sont rapidement colonisés par une végétation abondante, luxuriante et variée qui forme des ceintures concentriques caractéristiques. Les ceintures végétales se répartissent chacune selon la hauteur d’eau :

- En pleine eau, s’installent des végétaux strictement aquatiques, au feuillage flottant, comme les Nénuphars, Renoncules aquatiques, Renouées amphibies et Potamots.

Se développent aussi des végétaux totalement immergés, tels les Elodées ou les Myriophylles. Entre deux eaux, pousse l’Utriculaire, une plante carnivore.

- En queue d’étang*, se développe une roselière qui laisse place, en s’éloignant du bord, à une formation végétale plus basse et plus diversifiée, caractérisée par les Joncs et les Laîches. A la belle saison, ce monde de verdure se pare du jaune flamboyant des Iris et des grandes Lysimaques. Il s’y mêle le rose des Salicaires et du Butome. On y respire le parfum des Menthes et avec un peu de chance, on y observe les curieuses feuilles en forme de flèches de la Sagittaire. Bosquets de Saules et d’Aulnes constituent la ceinture la plus éloignée de l’eau.

Ces gradients végétaux ne sont pas nécessairement présents en totalité sur un même site. La végétation n’en reste généralement pas moins abondante et diversifiée. Ainsi, les étangs hébergent une faune variée, certaines espèces vivant à la fois dans l’eau, sur terre et dans les airs, comme de nombreux Insectes. Les queues d’étangs sont en particulier des lieux de vie très animés où Canards, Grèbes et autres Oiseaux, Poissons, Rongeurs, se nourrissent, se reproduisent et trouvent refuge. La sauvegarde de certaines espèces, comme la Cistude d’Europe dans le département de l’Allier, dépend de la conservation de tels milieux.

· Les milieux alluviaux

 Situées dans la partie aval du lit des grandes rivières, les zones alluviales comprennent les habitats fluviaux, grèves*, îlots et berges, et les secteurs annexes tels que prairies inondables, bras morts, talus, landes et forêts alluviales, complexes de milieux plus ou moins humides formant une bande de largeur variable de part et d’autre de la rivière.

 Les prairies inondables

 La présence de prairies inondables le long des cours d’eau est indispensable à l’expansion des crues. Généralement exploitées par un pâturage extensif, elles forment une zone tampon* efficace entre la rivière et les secteurs agricoles à cultures céréalières intensives*. Leur intérêt biologique est également reconnu ; elles constituent par exemple des lieux de reproduction privilégiés (Courlis cendré, Vanneaux…) et de nourrissage pour une foule d’Oiseaux.

 Des espaces nés de la divagation incessante de la rivière…

 Le profil latéral et longitudinal d’un fleuve n’est jamais naturellement figé. Le cours d’eau divague dans sa plaine, érode ses berges, notamment lors des crues. Il façonne ainsi les espaces alluviaux et détermine leur fonctionnement en permanence.

Les alluvions arrachées par le flot et déposées en aval, constituent les plages de sable et galets que la végétation colonise. Régulièrement, elles sont remaniées, la végétation et les milieux détruits et recréés. Tel est le processus indispensable de la dynamique fluviale qui donne naissance à des paysages sans cesse renouvelés et favorise la diversité biologique.

Des risques sous-estimés

Les zones humides sont des milieux particulièrement fragiles, car très dépendants de leur environnement. Lorsqu’elles ne disparaissent pas irrémédiablement, elles perdent souvent une ou plusieurs de leurs fonctions par les dégradations qui les affectent.

Les milieux se « banalisent », certaines espèces disparaissent, les paysages sont bouleversés. Les inondations non contenues par une nature trop artificialisée causent des dégâts de plus en plus importants. Les débits des rivières s’affaiblissent avec la sécheresse, le niveau des nappes s’abaisse et la qualité globale des eaux se détériore, menaçant l’alimentation en eau potable de certaines régions.

Ce sombre tableau doit faire prendre conscience à chaque citoyen de la nécessité d’engager de véritables actions de protection et de gestion des zones humides.

 

L’eau, lien naturel…

 Les milieux humides alluviaux, le cours d’eau et sa nappe phréatique, sont intimement liés dans leur fonctionnement grâce à la circulation de l’eau. En période sèche, la nappe, qui retient des réserves d’eau considérables, alimente la rivière et les zones humides associées. Lors d’épisodes pluvieux et de crues, le phénomène inverse se produit.

 Une mosaïque de milieux synonyme de richesse…

 La mosaïque de milieux, de paysages, et le foisonnement de vies animales et végétales, favorisé par un climat relativement doux, sont étroitement liés. La présence de nombreux Oiseaux, nicheurs ou de simple passage, témoigne de cette richesse biologique.

 Les « bras morts »

Les bras morts, les « boires » ou « couardes », sont des anciens méandres abandonnés par la rivière au cours de ses divagations. Ces annexes hydrauliques semblent être isolées du chenal principal. Le fonctionnement de ces eaux stagnantes, ou de faible courant, est en effet relativement autonome, même si elles restent connectées à la rivière par les eaux souterraines. La nappe peut ainsi assurer entièrement leur alimentation en eau. Les crues exceptionnelles peuvent également les approvisionner, et parfois même les remettre en contact avec le lit mineur* de la rivière. Les bras morts sont en quasi-permanence reliés à la rivière par une de leurs extrémités ; les boires, sont complètement déconnectées pendant une période donnée.

 L’intérêt hydrologique des bras morts réside notamment dans leur fonction de maintien des autres zones humides. Ils assurent aussi le stockage de l’eau et peuvent participer à son épuration.

 · Des bras « morts » bien vivants…

 Des Poissons, comme le Brochet, y frayent et y grossissent avant de regagner la rivière. Tritons, Crapauds et Grenouilles, Libellules et autres Insectes colonisent ces lieux, tout comme le Rat musqué ou le Ragondin, et même les noctambules et discrets Castor (dans l’Allier) et Loutre. La végétation est assez semblable à celle des étangs de plaine. Les larves d’Insectes, les « Mousses » aquatiques et les Algues sont des indicateurs de la qualité biologique de ces milieux très particuliers. Les boires, par leur relatif isolement, constituent des réservoirs d’eau de qualité préservée où la faune aquatique peut se réfugier même en cas de pollution de la rivière.

 La ripisylve : des arbres les pieds dans l’eau

 Autrefois, le lit majeur des grands cours d’eau était couvert de forêts humides inondées lors des crues. Défrichées dès le Moyen-Age, pour la mise en pâturage et en culture, elles constituent de nos jours des groupements relictuels. Toutefois, depuis un demi-siècle, la forêt alluviale tend à se développer à nouveau.

 · Une forêt exubérante, presque « jungle »…

 Les caractéristiques de la forêt alluviale sont déterminées en fonction de son altitude par rapport à la rivière.

Sur les grèves élevées, sur les îles stabilisées et les berges se développent de denses fourrés de Saules, appelés en Bourbonnais « verdiaux » et une forêt alluviale inondée une dizaine de jours par an, constituée d’arbres à bois tendres : Saules blancs, Peupliers noirs et Aulnes plus en amont du cours d’eau.

 Au fur et à mesure que l’on s’éloigne de la rivière, s’installe une forêt de bois durs constituée d’Ormes, de Frênes, de Chênes, et aussi de Tilleuls et d’Erables. Vous promener en forêt alluviale ne sera pas toujours chose aisée ! Il faudra vous frayer un chemin entre de hautes herbes composées de Baldingère, de grande Balsamine de l’Himalaya, voire d’Ortie, et parmi de denses arbustes… sans oublier les foisonnantes lianes de Houblon, de Clématite et de Vigne vierge. Ces boisements discontinus et variés accueillent Mammifères et Oiseaux des milieux forestiers. La ripisylve s’avère être « un nid douillet » convoité par les Hérons, les majestueuses Aigrettes garzettes et des grands Rapaces. Le Castor vient s’y nourrir. Réservoir d’espèces, la ripisylve présente des arbres peu fréquents localement tels l’Orme pédonculé et le Frêne à feuilles étroites.

· Une alliée de l’épuration de l’eau…

Les eaux de ruissellement qui parviennent à la nappe et qui s’écoulent latéralement de la plaine vers la rivière traversent la ripisylve et y sont épurées. Des études montrent qu’une bande de 30 mètres de large conservée le long des rives suffirait à éliminer la majeure partie des nitrates provenant des cultures avoisinantes. La ripisylve joue donc un rôle fondamental dans l’épuration des eaux de la nappe phréatique et le maintien de la qualité de l’eau.

 



6-Des mesures de sauvegarde : Que faire pour les zones humides ?

 Une préoccupation internationale et européenne déclinée au niveau national

 · La Convention de Ramsar de 1971 reconnaît les zones humides d’importance internationale.

Une quinzaine de sites en France sont désignés ; aucun site n’a été proposé en Auvergne.

 · La Directive « Oiseaux » de 1979 et la Directive « Habitats, Faune, Flore » de 1992 reconnaissent un intérêt écologique communautaire à des espaces naturels désignés au sein du réseau européen Natura 2000. Cette désignation se traduit par des Zones de Protection Spéciale (ZPS) et des Zones Spéciales de Conservation (ZSC) au titre de chacune de ces Directives. En France, des documents de gestion, ou « d’objectifs », pour chaque site retenu, seront établis d’ici 2004 en concertation avec les propriétaires et les usagers locaux.

Plusieurs zones humides sont intégrées en Auvergne au réseau Natura 2000 (nombreuses tourbières, vallées alluviales, gorges, étangs,...).

· LIFE Nature (L’Instrument Financier pour l’Environnement) permet de mettre en œuvre des programmes de conservation de la biodiversité, sur les sites « Natura 2000 ».

En Auvergne, des actions de gestion et de restauration des zones humides ont bénéficié de financements européens dans le cadre de plusieurs programmes « LIFE » entre 1992 et 1998 : LIFE Loire Nature, LIFE Tourbières (nationaux) et LIFE Sources salées (régional).

· Le Plan de Développement Rural National (PDRN) approuvé le 7 septembre 2000 pour 6 ans, décliné régionalement, vise, au travers des Mesures Agri-Environnementales (MAE) et, aujourd'hui, des Contrats Territoriaux d’Exploitation (CTE), à renouer des liens entre agriculture, environnement et territoires. En mettant en œuvre un projet répondant à ces attentes, pour une durée de 5 ans, le monde agricole et forestier bénéficie d’aides spécifiques. La gestion conservatoire de territoires « Natura 2000 » peut s’inscrire dans cette démarche.

En Auvergne, les tourbières du nord Cantal, les zones humides de la planèze de St-Flour (voir p. 36) ou encore du Haut Livradois font l’objet de programmes d’action au titre des MAE. Les CTE seront développés dans les années à venir.

Les politiques nationales spécifiques de planification et d’orientation

 · Le gouvernement a adopté en 1995 pour 10 ans le Plan d’Action Français pour les Zones Humides, afin de mettre un terme à la dégradation de ces milieux. L’objectif principal est la reconquête des zones humides d’intérêt national, en assurant la cohérence des politiques publiques. Les zones humides, reconnues en tant qu’ « infrastructures naturelles », doivent être prises en compte dans les politiques d’aménagement du territoire, de modernisation agricole, de tourisme et de gestion de l’eau ; la ressource en eau devant être utilisée rationnellement.

Inventorier, étudier, et faire connaître ces milieux sont aussi trois priorités du Plan national.

En Auvergne, les vallées alluviales du Cher, de la Loire et de l’Allier, les étangs de la Sologne Bourbonnaise et les massifs riches en tourbières et petites zones humides ont été reconnus d’importance majeure au niveau national dans le cadre de ce Plan d’Action.

· La loi sur l’eau du 3 janvier 1992 donne une définition juridique des zones humides et fait de leur sauvegarde une obligation légale et une priorité. La protection de l’eau, « patrimoine commun de la Nation », est « d’ intérêt général » et implique « d’assurer la préservation des zones humides ». Deux outils de gestion sont créés : les Schémas Directeurs d’Aménagement et de Gestion des Eaux (SDAGE) à l’échelle des grands bassins hydrographiques et les Schémas d’Aménagement et de Gestion des Eaux (SAGE) plus affinés au niveau local. Les SDAGE Loire-Bretagne et Adour-Garonne, couvrant le territoire régional, ont été approuvés par les Préfets concernés en 1996. Ils présentent un ensemble de préconisations en faveur des zones humides, dont un inventaire détaillé.

L’élaboration de plusieurs SAGE démarre en Auvergne, dont un sur la rivière Allier.

· Le Plan Loire Grandeur Nature est un programme d’actions défini à l’échelle du bassin Loire-Bretagne et approuvé par le gouvernement sur l’axe fluvial Loire-Allier pendant la période 1994-2006. Il comporte notamment un volet d’actions relatives à la gestion et à la restauration des milieux naturels ligériens et pérennise les actions de préservation de sites engagées au cours du programme LIFE Loire Nature sur l’axe Loire-Allier.

Les outils réglementaires de protection de la nature appliqués aux zones humides

· Les Réserves Naturelles, instituées par la loi du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature et créées à l’initiative le plus souvent de l’Etat, réglementent ou interdisent, par décret pris en Conseil d’Etat, « toute action susceptible de nuire au développement de la faune et de la flore ou de dégrader le milieu ».

Zones humides protégées en Auvergne : Val d’Allier bourbonnais (03) (voir p. 43, 44), tourbière des Sagnes de la Godivelle (63), tourbières de pentes de la Vallée de Chaudefour (63). 

· Les Réserves Naturelles Volontaires, instituées par la même loi, sont créées par arrêté préfectoral à l’initiative du propriétaire du site.

Zones humides protégées en Auvergne : la tourbière de cratère du Mont Bar (43) et les Iles aux Fauvettes (Nassigny, 03).

· L’Arrêté Préfectoral de Protection de Biotope réglemente la protection des habitats (milieu physique) nécessaires à la survie d’espèces protégées.

En Auvergne, plusieurs tourbières sont ainsi protégées (Cézallier...), ainsi que les îles de la rivière Allier où nidifient les Sternes.

La gestion contractuelle : maîtrise foncière ou d’usage

La maîtrise foncière, la location de terrains ou l’établissement de conventions de gestion avec leurs propriétaires peuvent permettre de conserver les zones humides. Ces politiques sont menées principalement par les Conservatoires d’Espaces Naturels comme le Conservatoire des Espaces et Paysages d’Auvergne.

Les principaux acteurs de la gestion des zones humides en Auvergne

Les services déconcentrés de l'Etat

 · Direction Régionale de l’Environnement Auvergne (DIREN Auvergne) et Directions Départementales de l’Agriculture et de la Forêt (DDAF) : La DIREN anime et coordonne les politiques du Ministère de l’Environnement en faveur de la préservation de la flore, de la faune et des milieux naturels. Sa mission est aussi de développer la connaissance. Les DDAF interviennent en relais des DIREN au niveau des départements et principalement dans le cadre des politiques agricoles (drainages, boisements…).

Les établissements publics de l’Etat

· Les Agences de l’Eau, en particulier, mettent en oeuvre la politique nationale de l’eau à l’échelle du bassin. La préservation des zones humides constitue l’une de leurs priorités, en finançant par exemple, dans le cadre de leurs programmes d’intervention quinquennaux, des études, des travaux de restauration, ou encore des acquisitions foncières. Elles participent à la réalisation de bases de données sur l’eau et les zones humides, aux côtés des DIREN.

Les collectivités territoriales

· Le Conseil Régional d’Auvergne subventionne des programmes en faveur de la conservation des zones humides. Il a ainsi participé au financement de programmes LIFE, et à des opérations d’acquisition foncière.

· Les Conseils Généraux développent une politique de gestion et de valorisation des « espaces naturels sensibles », parmi lesquels des zones humides. Les prélèvements de la taxe « Espaces Naturels Sensibles » (sur les constructions) assurent des moyens financiers supplémentaires pour mener une politique de conservation de la nature sous différentes formes : acquisitions, opérations de gestion...

Le département de Haute-Loire contribue à la protection de plusieurs sites en zones humides, dont l’étang de Berbezit et une tourbière à Saint- Dier-sur-Doulon ; il initie des études sur les petites zones humides ( plateau du Devès).

· Les Parcs Naturels Régionaux, Parc Livradois-Forez et Parc des Volcans en Auvergne, mènent des actions de sauvegarde et de valorisation des zones humides sur leur territoire.

Le Parc des Volcans gère notamment par contrat avec L'Etat la Réserve Naturelle des Sagnes de la Godivelle.

Les structures associatives

Les associations de protection de la nature agissent fortement pour la préservation des zones humides sous diverses formes :

· La maîtrise foncière (acquisition) ou d’usage (location, convention), permet au Conservatoire des Espaces et Paysages d’Auvergne (CEPA) ou au Conservatoire des Sites de l’Allier (CSA) de gérer de nombreuses zones humides : tourbières, sources salées, chaux, étangs, mares, roselières… Les sites maîtrisés font l’objet d’études définissant une gestion écologique adaptée aux milieux (pâturage extensif, débroussaillement, fauchage…) et de suivis permettant de mesurer la pertinence des actions entreprises. Le Conservatoire est également impliqué dans la politique de conservation de la dynamique fluviale sur la rivière Allier, en partenariat pour certains sites avec la Ligue pour la Protection des Oiseaux (LPO) Auvergne. Propriétaire aussi de quelques terrains, la LPO a en charge la gestion écologique de zones humides intéressantes sur la région et, par contrat avec L'Etat, co-gère avec l’Office National des Forêts, la Réserve Naturelle du Val d’Allier (voir p. 43, 44).

· La connaissance : l’association ALTER ECO mène un important travail sur la cartographie et la typologie des zones humides du Cantal.

· La sensibilisation : la Fédération de la Région Auvergne pour la Nature et l’Environnement (FRANE) et son réseau d’associations adhérentes, ont conduit depuis 1999 un programme de conférences publiques sur la gestion de l’eau, dans les quatre départements d’Auvergne. A cette occasion, la préservation des zones humides est souvent abordée.

Certaines associations, comme Espaces et Recherches ou les CPIE, ont un rôle plus axé vers l’animation auprès des scolaires.

· La participation : les associations en général participent au débat public, aux réunions techniques et de concertation aux côtés des services de l'Etat ou des Collectivités.

Les organismes d’études et de recherche

Le CEMAGREF, l’ENGREF, l’INRA, l’ENITA, le CNRS, les Universités, …, ont compétence pour conduire des réflexions de connaissances méthodologiques liées à l’écologie et au fonctionnement des milieux humides.

La sauvegarde des zones humides est aussi l’affaire de TOUS

Respectons ces lieux, n’y déposons pas d’ordures, évitons de les piétiner. Apprenons à les connaître et soutenons les associations mobilisées. Agissons en restaurant un milieu par exemple, en créant une mare sur son terrain, voire en s’engageant dans une démarche de protection réglementaire responsabilisante comme la Réserve Naturelle Volontaire… Toute initiative positive de chacun de nous permettra d’assurer la pérennité de ces joyaux de la nature.


Ce chapitre a été réalisé par La Fédération de la Région Auvergne pour la Nature et l’Environnement (FRANE)

Coordination générale : Karine FOLLY

Rédaction : Elisabeth AUBER SAILLARD

avec le soutien de Jean FAIN et de Joël BEC ;

mais aussi de Danièle AUROUX, Jean-Pierre DULPHY et Christian GUINARD.

Informations et conseils : Conservatoire des Espaces et Paysages d’Auvergne, CPIE du Velay, Conservatoire des Sites de l’Allier, LPO Auvergne, Emmanuel BOITIER, Parc Naturel Régional des Volcans d’Auvergne, Communauté de Communes du Mézenc, Office National des Forêts, Agence de l’Eau Loire-Bretagne, Conseil Général de Haute-Loire, Nature Haute-Loire, ADASEA du Puy de Dôme, ADASEA du Cantal, CPIE de Haute-Auvergne, Office du Tourisme Sancy-Artense, Espaces et Recherches, Syndicat Intercommunal de la Vallée de la Veyre, Bruno GILARD.

Que tous soient remerciés.

Conception graphique : Pépin de Pomme, Sylvie PRADEL, Yronde.

Illustrations : Création Nature, Philippe COQUE, Souvigny.

Impression : IMC - Clermont-Ferrand.

Dépôt légal 2ème trimestre 2001 - ISBN n° 2-914071-05-1

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1 bis rue Frédéric Brunmurol - 63122 CEYRAT

Tél/Fax : 04.73.61.47.49 - E-mail : Association FRANE

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