geo.cybercantal.net sommaire L'Association AUVERGNE LIVRES RARES 1 - Edward Marty
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Auvergne Livres Rares présente sa première réédition

Faire d'une vingtaine de livres rares sur l'Auvergne des éditions nouvelles pour raviver et enrichir la mémoire collective est l'objectif majeur fixé par l'association Auvergne Livres Rares. A la suite de plusieurs travaux relatant des faits historiques du secteur de Riom-ès-Montagnes, un groupe de riomois de souche ou d'implantation plus récente s'est formé pour créer l'association en 2004.

Le premier livre sélectionné pour une nouvelle édition est "Un artiste auvergnat, Edouard Marty", par Victor Fonfreide et Gandilhon Gens-d’Armes, paru pour la première fois en 1929 aux éditions USHA d'Aurillac. L'association a le privilège d'avoir pour parrain de son action Pierre-Jean Rémy, de l'Académie française, ancien président de la Bibliothèque Nationale de France, originaire du secteur, qui a accepté de préfacer cette réédition.

Ce livre d'un artiste peintre auvergnat de renom est composé de textes de Victor Fonfreide et Camille Gandilhon Gens d'Armes. Tous les deux de grands artistes auvergnats. Plus de 50 héliogravures ont été ajoutées à ces récits qui retracent l'oeuvre d'Edouard Marty. L'association Auvergne Livres Rares ne compte pas s'arrêter là puisque son projet est de présenter au public une collection des " Vingt Livres indispensables " sur l'Auvergne.

Un éditeur d’implantation régionale et de notoriété nationale

C'est à la maison CREER, à Nonette (Puy-de-Dôme), que l'édition a été confiée. Sa réputation en matière d'éditions soignées d'ouvrages de qualité n'est plus à faire.

Présentation par P.Armand :

J'ignorais tout d'Edouard Marty!

Il a fallu les noms associés de Camille Gandilhon Gens d'Armes et de Victor Fonfreide pour me donner l'envie de parcourir le livre qu'ils ont consacré à sa mémoire. Que ces deux chantres de 1' Auvergne ancienne - si bien restituée l'un dans ses poèmes, l'autre dans ses dessins - aient uni leurs talents pour l'évoquer est une garantie de son importance. Et de fait, en lisant la biographie touchante qu'ils lui ont consacrée, on éprouve le grand plaisir de découvrir une personnalité complexe et attachante.

Auvergnat de la montagne, il l'est jusqu'au bout des ongles, mais un auvergnat sorti de sa province pour étudier le Droit à Toulouse et faire les Beaux-Arts a Paris, donc prendre un peu de distance par rapport à la vie quotidienne rurale. Artiste bien dans son époque (fin du XIX°siècle) il nous a laissé quantité de dessins (encre ou crayon), d'aquarelles, de peintures, lavis ou pastels... qui nous renvoient au temps des visages burinés ignorant les anti-rides, des vieillards amplement barbus, ou des adolescents rêveurs et souriants.

Les paysages de la vallée de la Doire ont peu changé en un siècle contrairement aux travaux traditionnels.

La santé fragile d'Edouard Marty a-t-elle influencé la perception qu'il a eue des sentiments de ses modèles? Qui sait? En tous cas, il a traduit dans ses portraits bien des sentiments cachés.

Mais évidemment la mémoire de ce virtuose du crayon ou du pinceau ne pouvait se limiter à un récit détaillé et chronologique des aléas de son existence. Encore fallait-il donner à voir, à apprécier son talent! Les 54 reproductions en noir et blanc des hé1iogravures qui forment la deuxième partie de ce livre, permet­tront au lecteur d'en juger.

Pour ma part; il est clair qu'Edouard Marty méritait qu'on ranime son souvenir en rééditant cet ouvrage de qualité.

P. Armand

Présentation par François Mary (4ème de couverture) :

Ecrit à quatre mains par le poète Camille Gandilhon Gens d’Armes et le peintre Victor Fonfreide, enrichi de 54 héliogravures, le présent ouvrage (paru primitivement en 1929) retrace la vie et l’oeuvre de l’artiste auvergnat Edouard Marty (1851 - 1913). On suivra ici le parcours d’un homme modeste, penché sur les vies les plus obscures qu’il éclaire de la générosité de son trait si sensible. Auteur de près de mille portraits (figures réelles ou figures de rêve, souvent énigmatiques, parfois troublantes), il excelle dans cet art.

A l’instar de Cranach ou d’Holbein, toujours il s’attache, “avec une attention extrême et presque exclusive au dessin des yeux, des narines et des lèvres ; pour eux toute l’âme aboutissait là”, remarque Edouard Marty, en 1911, déjà atteint par le mal qui l’emporta.

A la plume, au lavis ou au crayon..., avec un trait “tour à tour gras et précis, sans lourdeur, souple et aisé” - comme l’ont noté ses biographes - , il dessine des vieillards résignés, des jeunes filles “pensives”, des jeunes pâtres aux pieds nus, d’intenses autoportraits... Toujours il revient, au fil des saisons, vers les hauts plateaux ou vers la vallée de la Doire (dans le Cantal, près de Saint-Cernin), paysages originels qu’il peint, y plongeant loin et fort ses racines.

L’écriture de Gandilhon Gens d’Armes et celle de Fonfreide jettent de prégnantes lueurs sur Edouard Marty, artiste fraternel, injustement méconnu, dont l’oeuvre nous parle à travers une “suggestive puissance”.

Victor Fonfreide (Volvic 1872-Volvic 1934), Peintre auvergnat :

Elève de l’Ecole d’Architecture de Volvic, des Beaux-Arts de Clermont-Ferrand, de Paris, ainsi que des Arts-Déco. Professeur de dessin de la ville de Paris, il enseigne ensuite en province et particulièrement dix ans à Aurillac.

C’est un spécialiste des portraits de paysans et des scènes rurales : puissance du trait, détails des scènes de veillées, de foires, portraits à la limite de la caricature nuancés d’humour. Ces œuvres peuvent être prises pour un véritable conservatoire de la vie rurale. Il aime travailler à la craie d’art, à l’aquarelle. C’est aussi un illustrateur avec par exemple l’ouvrage de Maurice Prax, Auvergne et Auvergnats (1932). Ami de Joseph Barrière et de Charreton, il est rapproché de l’Ecole de peinture de Murols. Il a été membre associé de la Société Nationale des Beaux-Arts et a exposé dans ce salon de 1922 à 1924.

Victor Fonfreide a animé la Société Artistique d’Aurillac, et a fondé en 1894, avec le poète Vermenouze, la célèbre Ecole Félibréenne et sa revue « La Cabreta ».

En 1986, les éditions Créer font paraître un recueil de ses dessins et en 1993, le Musée Sahut de Volvic présente une rétrospective de son œuvre. Certaines de ses toiles et quelques dessins sont conservés aux musées d’Aurillac, Clermont-Ferrand et Saint-Flour.

Camille Gandilhon Gens d’Armes :

Homme de lettres, Camille Gandilhon Gens d’Armes est né à Murat le 8 février 1871. Il descend d’une vieille famille dont il a repris le titre de gens d’Armes attribué à sa lignée au moyen-âge. Il fit ses études primaires à Lavigerie et à Murat, et commença ses humanités au petit séminaire de Saint-Flour pour les terminer au lycée Henry IV à Paris, où il eu comme professeur Henri Bergson.

A Paris il fréquente les cafés littéraires du quartier latin et rencontre Verlaine, Paul Fort, Guillaume Apollinaire, Jean Moréas. Il approche l’école du symbolisme, mais reste très fidèle aux Parnassiens tels que Bainville, Leconte de Lisle, Heredia ou Maurice Barrès. Une bourse lui permet de poursuivre ses études supérieures à Clermont-Ferrand puis à Bordeaux, Paris et Berlin.En 1908 il rejoint la revue La Veillée d’Auvergne, de 1909 à 1914, il fait partie du cercle Les Loups (jeunes idéalistes). Pendant la guerre il est interprète militaire puis secrétaire traducteur au Conseil de Paris. De 1918 à 1939, il tient la chronique littéraire régionale de L’Auvergnat de Paris (1000 chroniques en 20 ans), il y encouragea les jeunes talents comme Raymond Cortat, Marie-Aimée Méraville ou encore Alexandre Vialatte. L’été il reçoit à La Buge ses amis artistes peintres Fontfreide et Maurice Busset. Le fond Camille Gandilhon gens d’Armes est en dépôt au musée de la Haute Auvergne de Saint-Flour.











BONNES FEUILLES

Edouard Marty fit ses études secondaires au petit sémi­naire de Pleaux. Bien que personne n'y enseignât le dessin, il employait tous ses loisirs et même ses vacances à dessiner tout ce qui lui tombait sous les yeux, avec une habileté croissante, avec une verve telle que bon nombre de ses œuvrettes finirent par lui faire, tant à Pleaux qu'à Saint-Cernin, une réputation de jeune artiste spontané.

Mais, en même temps, il faisait de bonnes études litté­raires. Une fois bachelier, il décida — ce goût est particulière­ment auvergnat — d'étudier le droit ; et il partit pour Toulouse. Les examens de fin d'année répondirent à l'atten­te de sa famille ; mais quel ne fut pas l'étonnement de celle-ci d'apprendre en même temps, qu'un premier prix de dessin avait été décerné par l'Ecole des Beaux-Arts à l'étudiant en droit Edouard Marty ! C'est que le séjour de Toulouse, ville universitaire, fière de ses Jeux Floraux, pourvue de théâtres, de musées, d'expositions, présentait pour lui de précieuses res­sources. Il y trouva des maîtres, des conseillers, des critiques, des camarades initiés aux arts qu'il aimait. Aussi s'y adonna-t-il au dessin (toujours le dessin !) à la gravure, à la peinture, au modelage.

La guerre de 1870 trouva Edouard Marty, licencié en droit, installé dans un bureau de l'Enregistrement des Domaines et du Timbre. On lui avait représenté qu'il y avait là pour lui une situation d'avenir. Moins d'un an après, il démis­sionnait, et, le consentement de sa famille obtenu, il partait, plein d'enthousiasme, pour Paris. Il se fit aussitôt inscrire à l'Ecole des Beaux-Arts. Au bout d'un an d'atelier, il s'essayait à peindre des scènes historiques, sans arriver à être satisfait de ses travaux. Il connut Gérôme, mais s'attacha surtout à Cazin dont il appréciait les conseils. La peinture ne le détourna pas un instant du dessin et c'est au dessin qu'il dut ses premiers succès et même une assez large notoriété. Des journaux illus­trés, la Vie Moderne, le Grelot, publièrent de lui de spiri­tuelles esquisses qui furent très remarquées. Et c'est ainsi que, sans la moindre intrigue, et par son seul talent, et sans doute aussi l'aménité de son caractère, il se fit d'avantageuses relations. Il eut accès en des salons, notamment celui d'Alphonse Daudet qui lui confia le soin d'illustrer une partie de ses ouvrages. Il n'illustra qu'une édition des Rois en exil. En somme, Paris lui avait été assez vite accueillant, et l'avenir lui souriait. Mais les efforts qu'il avait faits, mais les longues veilles et peut-être des privations qu'il s'était imposées avaient ébranlé sa santé de jeune montagnard habitué à respi­rer un autre air que celui des salons parisiens ; et il lui fallut regagner, pour se soigner et se guérir, sa maternelle Auvergne. Longtemps il garda au cœur l'espoir de revenir à Paris. 11 n'y revint jamais. L'Art seul, qu'il n'abandonna pas, devait le consoler un peu ; mais son activité en demeura réduite et son allégresse artistique comme brisée.


C'est dire que le malchanceux artiste ne devait pas profi­ter longtemps des avantages matériels que pouvait présenter pour lui son atelier aurillacois. C'est de ce galetas pourtant qu'en deux ou trois ans sortirent bon nombre d'œuvres de valeur, aujourd'hui difficiles à retrouver : peintures, dessins, aquarelles, eaux-fortes, bas-reliefs curieux, motifs variés de décoration. Dans la population pauvre de la ville, Marty trou­vait des modèles à la physionomie expressive. De là certains portraits d'inconnus, certaines têtes de bons vieux chevelus et barbus et jusqu'à ce buste en plâtre qui représente un enfant à l'énigmatique sourire (N° 36).

Bien qu'il n'en prît nul souci, les œuvres de Marty lui firent très vite de la notoriété dans la petite ville. Fort à propos pour accroître cette notoriété, une Société artistique départe­mentale se fonda qui, on le peut penser, fut tout heureuse d'in­viter Marty à participer largement à sa première exposition. Il présenta des dessins, des portraits qui « firent sensation », des paysages inspirés des sites des environs d'Aurillac. On trouve dans la presse locale de cette époque, notamment dans l'Indépendant du Cantal (M. Esquer), l'écho significatif de l'admiration provoquée par les œuvres de Marty. Sans doute en fût-il satisfait, heureux même ; car dans un discours pro­noncé à une réunion de la Société Artistique du Cantal, le 16 novembre 1904, il salua le succès incontesté de la première exposition et traça à la jeune société un assez fier programme où perce déjà — notons-le en passant — un beau zèle que nous appellerions aujourd'hui régionaliste : « Créer un centre d'activité nouvelle ; stimuler chez nous le sentiment artistique qui sommeille ; attirer l'attention de tous sur les questions d'art qui sont une partie essentielle de toute culture intellectuelle ; donner enfin un démenti éclatant au préjugé vulgaire qui vou­drait confiner nos aptitudes de race aux seules spéculations pratiques».

Et pourtant, dès la deuxième exposition de la Société, Edouard Marty parut se désintéresser totalement de cette orga­nisation artistique, du moins en ce qui concernait ses propres œuvres. Il cessa tout de suite d'exposer. La presse locale expli­qua que l'état de santé de l'artiste ne lui avait pas permis de tra­vailler. C'était vrai en quelque mesure, car, obligé de prendre du repos, il ne tarda pas à abandonner son logement d'Aurillac pour rentrer à Saint-Cernin.

Mais il y avait autre chose. Il y avait ceci que le dessi­nateur passionné se souciait peu du bruit fait autour de son nom et que les éloges publics accordés à telles de ses œuvres qui ne le satisfaisaient pas lui-même l'irritaient sourdement. Il ne se souciait que d'art ; il n'avait plaisir qu'à créer de belles représentations artistiques du réel ; et cela est si vrai que, très souvent, quand il avait fait une belle esquisse, par­achevé un beau dessin, il s'en détachait aussitôt, au point de les mettre aux vieux papiers, d'en utiliser le revers pour d'autres études, voire de les détruire. Comme un livre écrit l'était pour Goethe, une peinture, une aquarelle, un dessin n'était pour lui qu'une libération. Faite, l'œuvre perdait son intérêt. Les belles images qui survivent de lui — et sans doute en a-t-il déchiré d'aussi belles — il n'a rien fait, absolument rien fait pour qu'elles survécussent. L'étrange artiste !


 

Ne pensez-vous pas, Lecteurs, que nous avons eu raison d'appeler un peu longuement votre attention sur ce bel artiste malchanceux, sur ce beau caractère d'Auvergnat rustique et lettré, sur cette vie simple et digne, assombrie de longues tristesses, sur Edouard Marty, sur son destin, sur son œuvre ? Parmi ce qui restait de cette œuvre, nous avons fait pour vous ce choix de paysages, de scènes de genre, d'esquisses, de portraits, de croquis. Avec plus de temps, plus de démarches, plus de ressources, on aurait pu reproduire ici un plus grand nombre d'oeuvres intéres­santes ; mais cet album est tout de même assez riche, nous l'espérons, pour faire réfléchir, pour susciter autour du nom d'Edouard Marty sympathie, estime, admirations, regrets.

Quant à nous qui avions abordé notre tâche avec quelque hésitation, faute d'en pouvoir pressentir suffisamment le sin­gulier et multiple intérêt, nous remercions aujourd'hui la famille d'Edouard Marty de l'honneur qu'elle nous a fait en nous la confiant. Nous avons éprouvé à la remplir de notre mieux un croissant et mélancolique plaisir intellectuel, une satisfaction de patriotisme auvergnat et cette intime fierté qu'on ressent à sauver, ne fût-ce que pour un temps, une noble mémoire qui se perd, à faire avec conviction œuvre de redressement et de justice.

VICTOR FONFREIDE
GANDILHON GENS-D'ARMES.



Avec l’autorisation de Brigitte Lépine, Conservateur du Musée d'Art et d'archéologie d'Aurillac qui détient les oeuvres d'Edouard Marty, nous présentons quatre oeuvres de l’artiste auvergnat : ces reproductions appartiennent à la "collection du musée d'art et d'archéologie d'Aurillac" et ne peuvent être utilisées sans l’autorisation du conservateur. NB : Ces reproductions ne sont pas présentées dans le livre « Un artiste auvergnat : Edouard Marty »

Gare à l’arrivée, Dessin

Joueur de cabrette, Dessin

Portrait en costume d’escrimeur, Etude

Le mendiant