Les dômes phonolitiques du Nord Cantal,
marqueurs du mouvement du glacier cantalien
BRGM, Orléans
» mots clés : Trizac, Menet, Le Monteil ; volcans phonolitiques ; glacier cantalien
» thème : utilisation des produits volcaniques pour caractériser les processus glaciaires.
Ce résumé reprend une note intitulée « Les dômes phonolitiques, marqueurs du mouvement du glacier cantalien » présentée au VIII° congrès de l’I.N.Q.U.A. et publiée dans Annales de Géographie 1970 (433) : 277-291. Le présent résumé est donné avec l’accord de l’auteur. J. Varet est actuellement directeur de la prospective au BRGM.
La présence de massifs phonolitiques dans le Cantal est connue de longue date, et leur alignement en une bande de direction NNW-SSE a été reconnue par les premiers géologues qui ont étudié cette région. Ces venues magmatiques sont localisées le long de cassures affectant la plate-forme du Massif Central.
Ces massifs se présentent sous forme de pointements indépendants constitués de roches dont les caractéristiques pétrographiques sont extrêmement variées d’un massif à l’autre alors que les variations sont faible à l’intérieur de chaque massif. L’examen d’un échantillon phonolitique quelconque provenant de cette région permet de déterminer le massif d’où il provient.
La mise en place de ces massifs est ancienne, toujours antérieurement à la dernière glaciation. Ils ont donc subi cette glaciation.
La lave émise est toujours visqueuse pauvre en gaz de sorte qu’elle s’accumule à proximité immédiate de son point de sortie en constituant des dômes plus ou moins étalés. La mise en place est du type extrusif plutôt qu’ effusif .
Les phonolites sont des roches extrêmement compactes et dures. Ces qualités s’expliquent par les propriétés suivantes : arrangement préférentiel des microcristaux selon une même orientation ; la taille du grain moyen est réduite, voisine de 30 mm ; ces roches sont constituées à 95% d’un seul minéral : l’ anorthose ; la faible porosité et la quantité de bulle très réduite. Ces caractères sont à l’origine du mode d’altération de ces roches : elle est toujours limitée a une frange fine qui ne dépasse pas 1 cm . Le contact entre la roche fraîche de couleur verte et la couche corticale altérée de couleur blanche, est toujours tranchée.
Ces appareils sont constitués de phonolite, roche de texture bien particulière se débitant en plaques appelées lauzes, parallèles à la surface du massif. Cette structure, contemporaine de la mise en place du massif, est recoupée par une structure plus tardive, cette fois contemporaine du refroidissement. Elle a pour résultat un débit en prismes le plus souvent perpendiculaires à la surface du massif. Leur diamètre peut dépasser le mètre. La double fracturation, en lauzes ou en prismes, facilite un débit naturel de la roche en dalles dont le diamètre est celui des prismes et l’épaisseur celle des lauzes. La dimension des plaques ou lauzes varie dans un même massif selon l’endroit. Elles sont très fines en bordure du massif ou à proximité de la zone encaissante, mais plus massives à l’intérieur où elles constituent des dalles atteignant jusqu’à un mètre d’épaisseur. Les dalles sont très résistantes: la texture de la roche empêche la pénétration des facteurs d’altération. Sous climat froid périglaciaire, le processus de fracturation est accéléré par action mécanique du gel. La double fracturation est d’autant plus efficace que les fentes sont verticales ce qui permet de retenir l’eau.
Les phonolites sont des roches extrêmement compactes. En dehors des clivages en dalles ou en prismes, les phonolites sont dures et homogènes. parmi les causes de cette homogénéité, retenons :
la texture de la roche avec arrangement préférentiel des microcristaux selon une même orientation ;
la faible taille des grains ; cette moyenne de taille est proche de 30 mm
Un seul minéral constitue cette roche : de l’ anorthose pour 90% ;
La très faible porosité de la roche ; ce caractère est à l’origine de l’altération toujours limitée à une frange de bordure de moins de 1 cm
Fracturation et éclatement. La double fracturation, oblique pour les lauzes, verticale pour les prismes, facilite un débit naturel de la roche en dalles, dont le diamètre est celui des prismes et l’épaisseur celle des lauzes. A l’intérieur des dalles, en revanche, l’altération ne pénètre pas à cause de la texture de la roche. Assujetties à un climat froid, le processus de fracturation est accéléré par action mécanique du gel et de la glace. L’augmentation du volume d’eau qui gèle, après pénétration dans les diaclases, développe une forte pression (14 kg/cm2) qui aboutit à l’éclatement de la roche. L’action destructrice du gel n’est peut-être pas le seul processus de morcellement. Le glacier peut aussi, de façon autonome, pratiquer le « quarrying » ou délogement des blocs. Il est certain cependant que l’alternance de gel et dégel était favorisée par le climat qui a précédé la glaciation cantalienne. Les produits détritiques ainsi constitués ont ensuite été évacués par les glaces.
Dispersion des blocs. A chacun des massifs phonolitiques est associée une zone constituée de blocs épars, allongée dans une direction bien définie. Ces champs de pierres proviennent de la dispersion par les glaces, des blocs de phonolites arrachés aux dômes. Le curieux paysage offert par ces dalles de dimensions importantes, réparties en désordre sur un relief horizontal porte souvent localement le nom évocateur de « cimetière des enragés » (voir sur ce site « cimetière des enragés »). A partir de chaque dôme, une traînée s’étend dans une seule direction bien déterminée et les blocs les plus éloignés se retrouvent à des distances souvent notable de leur lieu d’origine (maximum de 5 km). Ainsi à chaque dôme phonolitique est associé une donnée concernant le glacier cantalien, qui définit une direction, un sens et un module (ou distance de déplacement maximal des blocs d’un massif donné). Du côté opposé au champ de blocs, le dôme est mis à nu comme dégagé par un balayage efficace. L’étude systématique de l’orientation des blocs au sein des chaos montre que leur orientation est quelconque, ce qui permet de s’assurer que ces blocs sont bien déplacés. De plus la découverte d’affleurements basaltiques sous-jacents apparaissant à la faveur de tranchées de ruisseaux, confirme les déductions précédentes.
Le point important est d’observer que tous les massifs qui pouvaient s’y prêter ont subi ce phénomène de démantèlement puis de transport, de sorte qu’il n’est pas possible d’envisager l’action des seules langues glaciaires ou de glaciers locaux pour l’expliquer. La présence d’une vaste calotte enveloppant chacun des massifs, donc l’ensemble de la région, permet seule d’expliquer ce phénomène.
Dynamique de la calotte. Compte tenu de la composition spécifique de chaque massif, l’étude pétrographique des blocs permet de préciser le massif d’origine. Il est alors possible d’affecter chaque massif d’un vecteur de déplacement glaciaire définissant la direction et la longueur du déplacement (Figure 2). Le point important de cette étude réside dans l’existence d’une seule direction de transport pour l’ensemble des massifs ce qui signifie qu’une seule masse de glace agissait sur les différentes sources de matériaux. Le modèle basé sur l’action de différentes langues glaciaires, individualisées, ne peut être retenu; dans ce cas en effet la probabilité d’un déplacement commun aux différentes langues glaciaires serait faible. Aucune raison ne pourrait expliquer la disposition des ‘cimetières’ des villages de Roche, La Cartelade ou d’Aldy. Ce mouvement peut être précisé et les vecteurs de déplacement permettent de mettre en évidence un mouvement de rotation sénestre de la calotte glaciaire : N puis NNO puis O et même OSO au fur et à mesure que l’on s’éloigne des sommets, donc que l’on se déplace du sud vers le nord. Ainsi, un mouvement de rotation accompagne le mouvement centripète des glaces ce qui permet de définir un écoulement hélicoïdal divergent de la calotte cantalienne. On remarque aussi que le mouvement de la calotte est transversal par rapport au réseau hydrographique, à l’orographie actuelle et aux remplissages fluvioglaciaires de la Sumène, du Violon et du Mardaret. Les glaces semblent se diriger vers le sillon houiller (Champagnac) qui représente le point le plus bas de la région et vraisemblablement une zone privilégiée pour la collecte des glaces de la région nord cantalienne (Figures 3 et 4).
Dimensions: hauteur 160 cm ; largeur 140 cm. (6/5/2002).
Conclusion. La combinaison des phénomènes géologiques de nature bien différente et d’époques différentes : le volcanisme phonolitique du Cantal septentrional d’une part et les phénomènes périglaciaires et glaciaires plus récents d’autre part, permet de construire une image réaliste de notre région au moment de la dernière glaciation. Les blocs constitués sous climat périglaciaire puis transportés par les glaces sont disposés de façon précise par rapport aux dômes dont ils proviennent. Leur déplacement est solidaire d’un dôme à l’autre ce qui conduit à proposer l’existence d’une vaste calotte glaciaire enveloppant les différents massifs ou dômes de l’ensemble de la région.
Notes :
Anorthose : variété de feldspath ; les clivages ne sont jamais orthogonaux.
Effusif : caractère d’une roche mise en place à l’état liquide ; cette mise en place se manifeste par de longues coulées.
Extrusif : caractère d’une roche mise en place à l’état pâteux ; cette mise en place se manifeste par un massif, un dôme… limité dans son extension horizontale.
Pétrographie : science des roches comprenant leur description, leur classification et leur genèse.
Phonolite : roche volcanique composée essentiellement de microcristaux ; le verre est peu abondant ; elle se débite souvent en dalles sonores quand on les frappe, d’où le nom.