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Avant-propos : le Pays de Saint-Flour-Haute-Auvergne ?

L’arrondissement actuel de Saint-Flour, que sa situation, des considérations économiques et humaines, des intérêts communs présentent aussi sous l’appellation Pays de Saint-Flour-Haute-Auvergne , comprend tout l’est du département du Cantal, soit au nord l’ancien district (ou arrondissement) de Murat, créé en 1790 et rattaché plus tard à Saint-Flour, avec ses trois cantons de Murat, d’Allanche et de Condat, qui se sont ajoutés à ceux de Saint-Flour nord et sud au centre, de Pierrefort à l’ouest (le Pierrefortais), de Chaudesaigues au sud (le Caldaguès), de Ruynes-en-Margeride (la Margeride cantalienne) et de Massiac à l’est.

Ce Haut Pays d’Auvergne , ainsi le désignait-on encore, occupe donc toute la moitié orientale du département, entre la barrière constituée par les Monts du Cantal et le versant occidental de la Margeride cantalienne d’une part ; entre le sud du Cézallier et la pointe septentrionale de l’Aubrac d’autre part. C’est dans les limites de cet espace, que l’autoroute A 75 a contribué encore aujourd’hui à individualiser, et au vécu des hommes qui l’ont habité, depuis les balbutiements de la préhistoire jusqu’à la fin de l’Ancien Régime, que se cantonneront ces pages d’histoire.

Pour mener à bien cet ouvrage, nous avons évidemment exploré les archives et une importante bibliographie ; mais nous nous sommes aussi largement inspiré d’actes notariés (baux, contrats de mariage, testaments, legs...), de papiers de familles des XVIe, XVII et XVIIIe siècles, de documents fiscaux (lièves, terriers, rôles des tailles et impositions diverses), ou judiciaires (procès-verbaux divers, sommations d’huissiers, sentences...), ou encore religieux (archives diocésaines, officialité...) qui, nous osons l’espérer, donnent à notre travail un soupçon d’originalité et un certain caractère d’authenticité. Les lecteurs originaires de la région, comme ceux qui l’habitent, y trouveront nombreux des traces de leurs ancêtres, l’évolution de leur mentalité et de leur mode de vie à travers les siècles, des références aux villes et villages qui furent les berceaux de leurs familles.

Ce cadre géographique, reconnaissons-le, paraîtra assez arbitraire, mais pas plus que la création en 1790 du département du Cantal. La barrière montagneuse du massif cantalien a de tout temps, et davantage encore autrefois, constitué un obstacle aux relations entre l’ouest et l’est du département, que les rivalités entre Aurillac et Saint-Flour et l’indépendance de l’abbaye d’Aurillac vis à vis de l’évêché de Saint-Flour ne faisaient qu’accroître. Ajoutons-y l’attrait de la région clermontoise alors qu’Aurillac regarde vers l’Aquitaine, la direction méridienne des axes de communication qui ont donné au pays de Saint-Flour-Haute-Auvergne une ouverture sur la Limagne, et au-delà sur le Bassin Parisien au nord, ont permis très tôt des échanges commerciaux privilégiés avec le Languedoc au sud et fait longtemps de la ville fortifiée de Saint-Flour, selon une expression royale, “ la clef du royaume devers la Guyenne anglaise ”, rempart inexpugnable jusqu’au XVIe siècle. Quand les députés de l’Assemblée Constituante décidèrent la création du département du Cantal et fixèrent ses limites, les édiles sanflorains, soutenus par de nombreuses communes des districts de Saint-Flour et de Murat, réclamèrent la formation d’un département qui engloberait notamment ces deux districts ainsi que ceux de Saint-Chély et de Brioude et ferait de sa ville - carrefour un chef-lieu définitif : les ambitions de Saint-Flour auraient coincidé alors avec certains impératifs de la géographie et de l’économie locale. La ville devait payer cher cette espérance exprimée d’une partition au demeurant assez logique. L’assemblée constituante en décida autrement, mais ce Cantal oriental garda son originalité, que semble vouloir aujourd’hui péréniser cette appellation de “ Pays de Saint-Flour-Haute-Auvergne ”.

D’ailleurs, au cours de son histoire, l’Auvergne a-t-elle vraiment constitué une province à l’identité marquée, aux espaces nettement circonscrits ? L’archéologie, la linguistique, le relief et la géographie ayant multiplié les petits pays différenciés et particularisés prouvent le contraire. Ainsi s’est singularisé le Pays de Saint-Flour-Haute-Auvergne , puzzle plus qu’assemblage où les féodalités ont pu se développer.

Cet ensemble montagneux du Cantal oriental, compact, tout en bosses et en creux, vieux socle hercynien habillé par le volcanisme, modelé par l’érosion et l’anthropie se caractérise par sa massivité, son cloisonnement, la médiocrité des sols consacrés trop longtemps à la culture, ses hivers longs, neigeux, sa fraîcheur et une humidité moins généreuse que sur le versant occidental. Il se déploie du nord au sud, depuis les étendues monotones du Cézallier méridional jusqu’au Caldaguès qui pousse une pointe sur l’Aubrac, entre l’Artense et les sommets volcaniques des monts du Cantal à l’ouest et les molles croupes granitiques de la Margeride cantalienne à l’est.

Le gigantesque cône du strato-volcan de 70 km de diamètre et 240 km de tour occupe le centre du département du Cantal. Très disséqué par l’érosion, il est bordé d’un cercle de crêtes qui culmine à l’est au Plomb du Cantal (1855 m) et au Puy Mary (1783 m). A la périphérie, les coulées les plus récentes ont recouvert de laves les pentes qui descendent de toutes parts vers l’extérieur, formant, de 1200 à 900 m, un très large éventail de plateaux doucement inclinés, tels les rayons d’une roue à partir du moyeu. Plus près de nous, l’érosion fluviale et glaciaire a façonné les traits de la géomorphologie actuelle du massif cantalien.

Car les rivières - la Santoire, l’Alagnon et ses affluents l’Allanche et la Sianne, l’Ander, l’Epie, le Brezons, le Siniq - ont creusé avec vigueur, sur le versant oriental du massif cantalien, des vallées rayonnantes, quelque peu élargies par les glaciers du quaternaire ; elles s’articulent au pied du vaste cratère démantelé et découpent les plateaux en promontoires triangulaires au nord et à l’est, que les laves du vaste volcan et celles de petits cratères adjacents ont recouverts. La végétation naturelle est étagée : sur les hauteurs, couvertes de neige une moitié ou presque de l’année (autrefois ?) , les landes d’altitude, puis les pâturages d’estives entre 1400 et 1100 m, les forêts de pins, les bois de hêtres ou les landes à genêts entre 1100 et 800 m. Ce sont sur le Cantal oriental, du nord au sud :

* le Limon entre Santoire et Rhue de Cheylade ;

* la Planèze de Chalinargues, élevée, qui se fond avec le Cézallier de Marcenat à Vernols, limitée en partie par l’Allanche, et les petites et étroites planèzes qui se succèdent au-dessus de la vallée de l’Alagnon et de la Sianne, celles de Charmensac, de Joursac, de Laurie ;

* la vaste Planèze de Saint-Flour, la plus remarquable, qui s’étire en perdant doucement de l’altitude depuis le Prat de Bouc (1524 m.) et le Puy de la Mouche (1550 m.) jusqu’au promontoire où s’est bâtie la ville (880 m.) ; fortement anthropisée, elle n’est plus aujourd’hui “ le grenier à blé de la Haute-Auvergne ” qu’elle fut autrefois ;

* la Planèze de Pierrefort, au delà de la vallée de l’Epie, que sillonne le Brezons ;

* celle de La Capelle-Barrès, plus ramassée, dans le prolongement du Pays de Pierrefort.

Ces plateaux sont accidentés, ici ou là, surtout à l’est, par des protubérances, des sucs, tels les rochers de Chastel-sur-Murat, de Bonnevie, de Bredons, les puys de Barre, de Pagros et de Talizat, les buttes de Tanavelle et de Fraissinet, le Calvaire de Saint-Flour...

A l’ouest, l’échine ondulée du Massif cantalien, presque toujours au-dessus de 1500 m, est difficilement franchissable par des cols élevès : cols d’Allanche et de Cabre, de Serres (1364 m.) et d’Entremont, de Font d’Alagnon et du Pas de Peyrol (1582 m.)...

Au nord les pentes méridionales du verdoyant Cézallier, modelées par des épanchements de basalte (plateau tabulaire du Bru de Charmensac, coulée du Mont Journal), sont mamelonnées de faibles éminences, vestiges de petits volcans autonomes, adoucies par l’érosion (petit volcan de Praluit, sucs de Luzer, de la Pèze, de Védrines au cratère assez bien conservé, Mont Journal à la tête dénudée). Le pic de Chamaroux (1237 m.), monticule escarpé au-dessus de Montgreleix, se situe sur les confins des départements du Cantal et du Puy-De-Dôme.

A l’est, soudée au Cézallier, entre la vallée riante de L’Alagnon et le sillon profond de l’Ander et de la Truyère, le vieux socle cristallin de la Margeride cantalienne déroule ses sommets arrondis en une longue et lourde épine dorsale, qui culmine à Serre-Haut (1431 m) et au Mont Mouchet (1465 m.). Elle se franchit difficilement par les cols de la Fageole (1104 m.), du Signal (1350 m), de Gourgueyre (1315 m) que ne ménagent pas les intempéries : vent, neige, gel et verglas. Son versant occidental s’abaisse en paliers successifs, les Plaines , comme les appelaient autrefois les habitants du pays, qui lui donnent l’aspect d’un amphithéâtre de landes, de bois, de pâturages, de prairies irriguées, de seiglières. Sur ces replats se sont nichés villages et hameaux.. Au sud-est enfin, entre Truyère et Bès, le plateau ondulé et granitique de Loubaresse est à peine effleuré par celui de l’Aubrac, qui a couvert de ses “ galettes de basalte ” la pointe triangulaire du Caldaguès dominée par le puy de Gudette (1435 m.)

Les cours d’eau ruissellent innombrables, mais aucune rivière importante ne traverse le massif. Si celles du versant occidental vont grossir la Dordogne, celles du versant oriental forment deux bassins hydrographiques distincts : au nord, une partie restreinte du territoire est drainée par l’Alagnon et son affluent principal l’Allanche, qui déversent les eaux dans l’Allier ; au sud, l’Ander, grand collecteur de la Planèze de Saint-Flour, l’Epie, le Brezons, le Siniq se jettent dans la Truyère, affluent du Lot, qui entaille le massif granitique, séparant au sud-est les planèzes de la pointe de l’Aubrac. Ce réseau hydrographique, par ses caractéristiques, a plutôt été une entrave au développement humain et à son homogénéité : les Celtes arvernes ont pénétré par la vallée de l’Allier et ses affluents cantaliens dans la moitié septentrionale du Haut Pays ; les Gabales vraisemblablement dans l’autre moitié méridionale, encore que cette hypothèse soit contestée par certains historiens.

Au nord-est, “ la porte fleurie du Cantal ”, l’étroit bassin de Massiac va s’élargissant vers la Limagne, aussi porte discrètement ouverte d’un corridor qui conduit aux confins du Bassin Parisien.