geo.cybercantal.net sommaire Une exposition de manuscrits enluminés dans le Cantal Riché, Pierre et Jacques Verger
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Pierre Riché et Jacques Verger : 2006.
Des nains sur des épaules de géants : Maîtres et élèves au Moyen Âge. 351 p. 27 figures en couleur, 5 cartes

« Nous sommes comme des nains sur des épaules de géants. Nous voyons mieux et plus loin qu'eux, non que notre vue soit plus perçante ou notre taille plus élevée, mais parce que nous sommes portés et soulevés par leur stature gigantesque». Dans les années 1120, Bernard de Chartres aimait ainsi comparer devant ses élèves, ses contemporains et leurs glorieux prédécesseurs de l'Antiquité, ce temps des géants et des saints. Les hommes de son temps étaient écrasés par le poids de l'héritage des Anciens, et tous leurs efforts tendaient à reconstituer et à maîtriser cet héritage. Cette formule bien célèbre résume la révolution des études au XII° siècle, lorsque les enseignants, Gerbert, Bernard, Abélard, les Anselme…, se référaient aux anciens pour mieux s’en émanciper.

Écrite à quatre mains, cette histoire des maîtres et des élèves dans l'Occident médiéval s'articule autour de ce basculement fondamental, en deux temps : celui des écoles monastiques et cathédrales (VI°-XII° siècle), couronné par la plus brillante des renaissances médiévales ; celui des universités (XIII°-XV° siècle), marqué par la fixation d'un cadre institutionnel nouveau et l'élargissement des enseignements et des publics. Qui étaient ces gens de savoir ? Quelles contraintes -matérielles, réglementaires, intellectuelles- pesaient sur leur existence quotidienne ? Quelles aspirations guidaient leur travail ? Récits, analyses et textes d'époque donnent corps à ce monde bigarré des étudiants et des maîtres, acteurs par excellence d'un âge de haute spiritualité et d'insatiable curiosité. Ainsi le témoignage de Jean de Salisbury est particulièrement instructif sur les écoles parisiennes. Les innovations de Hugues de Saxe (ou de Saint Victor) qui ajoute aux sept arts traditionnels plusieurs disciplines dont le travail de la laine, l’armurerie, la navigation, l’agriculture, la chasse…Il avait comme formule : « apprends tout et tu verras que rien n’est superflu ». Plus loin un chapitre est réservé à la condition étudiante et compte tenu des sections développées, on peut penser que rien n’a changé depuis cette époque : ces sections traitent en effet de l’argent, du problème du logement, des débouchés des études…Dans la seconde partie du livre, c’est la seconde phase du basculement signalé précédemment qui est traitée : la naissance et le premier essor des universités européennes (XII°- XIII° siècle). Ici encore une approche étroite de la vie universitaire est donnée avec l’accueil, l’encadrement, les rituels des fêtes et des jeux, les tensions et les violences…Deux échelles de temps se trouvent disponibles : le temps court dont on vient de parler mais aussi la très longue durée dans laquelle s’épanouit l'évolution des connaissances, des curiosités et des méthodes qui aboutit au passage des « écoles » aux « universités ».