geo.cybercantal.net sommaire Une exposition de manuscrits enluminés dans le Cantal Riché, Pierre
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Sous la Direction de Pierre RICHÉ

Longtemps, l'an mil est apparu comme une année « charnière » séparant deux périodes bien distinctes. La première - le X° siècle - assimilée à un «siècle de fer et de plomb», qui se terminerait dramatiquement par les «terreurs de l'an mil», la seconde, qui correspondrait à une renaissance saisissante de l'Occident. Or, on doit dire que ces « terreurs » sont pures légendes, que l’angoisse qui aurait saisi les hommes à la fin du X° siècle ne correspond pas à la réalité. Entre la fin du X° siècle et le début du XI° siècle, la continuité est totale, autant politique qu'économique, intellectuelle qu'artistique.

L'Europe dont il est question dans ce livre est la région qui va de la Scandinavie à l'Espagne du Nord, des îles Britanniques à la Pologne et à la Hongrie. Elle forme un vaste ensemble qui s'oppose à ceux que constituent alors le monde de l'Islam et celui de Byzance.

Dans cet Occident très diversifié, Pierre Riché, dans une première partie, rappelle comment les hommes de l'an mil se rencontraient, et comment ils se comprenaient. Ces préalables sur les courants artistiques sont nécessaires pour comprendre les parentés géographiques. Après cette introduction trois parties composent le livre.

Dans une seconde partie, [Architecture et décor monumental], Jean-Pierre Caillet fait découvrir l'architecture et le décor monumental de tous les édifices de cette époque. On privilégiait jusqu'ici les édifices cultuels ; la créativité des maîtres d'oeuvre s'est à l'évidence magnifiquement exprimée dans ce champ. Mais les réalisations de l'architecture castrale sont à présent reconnues comme dignes d'une extrême attention ; l'auteur s'y attarde longuement. Il s'attache enfin à approfondir l'étude des composantes matérielles de l'environnement urbain et rural, mettant en lumière, de manière spécialement neuve, une architecture civile.

Éric Palazzo [l’art des manuscrits enluminés autour de l’an mil], dans une troisième partie, nous guide dans l'univers des manuscrits et de leurs enluminures. Il se démarque d'emblée de ceux qui accordent à l'enluminure ottonienne le seul droit de cité sur le terrain des manuscrits autour de l'an mil. Certes, les grandes écoles de l'Allemagne ont produit des chefs-d'œuvre, qui sont largement présentés. Elles ne doivent cependant pas éclipser les scriptoria plus modestes de l'Angleterre, de l'Espagne, de l'Italie et même de la France. C'est une des originalités de ce livre que de ne pas en oublier les réalisations.

Enfin, dans une quatrième partie, [les arts précieux en l’an mil], Danielle Gaborit-Chopin nous révèle les splendeurs des arts précieux. Là encore, l'idée qu'ils ne sont qu'ottoniens doit être sérieusement nuancée : dans le reste du monde occidental, les hasards des destructions de pièces d'orfèvrerie, telles qu'en ont connues l'Angleterre du XVI° siècle et la France révolutionnaire, ne nous laissent plus aujourd'hui qu'une vision tronquée et donc déséquilibrée. Et s'il faut, à l'évidence, admirer les créations ottoniennes, il ne faut pas minimiser les créations qui furent celles des autres pays. À côté de quelques rares œuvres épargnées, les fouilles menées depuis quelques années dans toute l'Europe apportent des découvertes significatives : l'art irlandais, l'art Scandinave ou celui des Hongrois nous ont ainsi été révélés.

L'illustration très riche et soigneusement choisie de cet ouvrage achève de faire de ce panorama général de l'an mil européen une synthèse magistrale et un précieux instrument de travail, œuvre de spécialistes incontestés en leur domaine.