geo.cybercantal.net sommaire Analyses bibliographiques PERRINE MANE
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PERRINE MANE, 2006.
Le travail à la campagne au Moyen Age. Etude iconographique. Picard, Editeur, Paris.
471 pages ; 27 planches en couleurs groupées en début du livre. 274 figures en noir et blanc dans le corps du livre ; format : 22 x 27 cm.


Au Moyen Âge, dans tout l'Occident, la campagne joue un rôle primor­dial. Les paysans constituent plus de 90% de la population et les tech­niques agricoles ont une incidence déterminante sur l'économie contemporaine. Pour compléter cette idée, l’auteur rappelle la phrase de R Fossier « huit ou neuf hommes sur dix ont vécu au village, courbés vers le sol ; les quatre cinquièmes des travailleurs, les trois quarts des nobles, la moitié des clercs sont paysans ; et on ne voit pas quel domaine de l’histoire échappe au monde des campagnes ».

Trois parties constituent ce livre : 1 : Les images ; 2 : La terre nourricière ; 3 : Le règne animal. Dans chaque partie, les sections sont introduites par des dictons ou proverbes. Ainsi pour le choix des plantes à cultiver : « en lieu bas, sème le froment, en haut lieu, plante ton sarment », « En vain plante et sème, qui ne clôt et ne ferme », « qui ne laboure point ne mange point », « qui regimbe contre l’aiguillon deux fois se pique », « vigne double si elle est close », « arbre molt ramé fait à peine bon fruit »...


   

A gauche : Bible de Manerius, enluminée durant le dernier quart du XII° siècle en Champagne ou en Bourgogne (Paris Bibl. Sainte-Geneviève, ms.8, f. 7v). Adam se sert d’une houe, d’une bêche et d’une serpe à dos tranchant ; Eve file.
A droite : foulage dans une cuve munie dans sa partie supérieure d’une barre transversale qui procure une meilleure assise au fouleur. Mois de septembre d’un Pontifical de Guillaume Durand, enluminé vers 1335 en France (Aix-en-Provence, Musée d’Arbaud, ms.13, f.9).
La méthode de l’auteur est basée principalement sur l’image et peu sur le texte. Jusqu'au XX° siècle, le monde rural a été étudié essen­tiellement à partir des sources écrites, pourtant les images médiévales du travail agricole abondent. Depuis 50 ans environ, les historiens ont compris qu’une civilisation de l’écrit ne transmettait qu’une partie de la réalité d’où l’intérêt de développer des liens interdisciplinaires et donc de se rapprocher de sciences telles que la carpologie (la science des fruits), la palynologie (science des pollens et spores), la dendrochronologie (étude des stries de croissance sur les coupes transversales d’arbres).



Le travail des prairies. A. Mois de juin, sculpté sur le soubassement du portail nord de la façade occidentale de Notre-Dame d’Amiens vers 1230. B : La lame de la faux est rebattue sur une enclumette. Mois de juillet du Missel de Jean de Foix, enluminé en 1492 à Toulouse (Paris, BnF, Lat 16827, f.18).
Plus de 15 000 documents ont été recensés, dont 300 sont publiés dans cet ouvrage. Ils datent du IX° au XV° siècle; d'origines géographiques diverses, ils cou­vrent l'ensemble de l'Europe occidentale. Les uns relèvent de l'art monumental, sculpté ou peint; d'autres ont pour support des tapisseries, des ivoires, des sceaux ou des émaux. Les plus nombreux, miniatures ou gravures, illustrent les textes bibliques, des traités d'agriculture ou d'hygiène, décorent certains armoriaux ou des épisodes littéraires. Les travaux des mois constituent pour la plupart les scènes des calendriers.

Divers facteurs peuvent remettre en question la valeur documentaire de ces figurations : mauvaise conservation, multiplication des copies et diffusion des sté­réotypes, fréquente inadéquation entre texte et image, émergence tardive de la perspective et de l'intérêt pour un certain naturalisme. Les documents imagés doivent donc être impérativement confrontés aux autres sources documentaires, notamment les résultats des fouilles archéologiques, les enquêtes ethnologiques, les textes contemporains.

Une fois validés, ils permettent de suivre les paysans jusque dans les diffé­rentes phases de leurs activités. Outre les secteurs fondamentaux des céréales, de la vigne et de l'élevage, l'arboriculture, la culture des légumineuses, des plantes potagères, du lin et du chanvre, l'exploitation des forêts à travers le bûcheronnage, mais encore la chasse et la pêche sont loin d'être absentes des enluminures et des sculptures.

Ces images permettent d'appréhender les techniques agricoles, de voir les outils en action. Grâce à elles, on peut repérer l'émergence de nouvelles pratiques ou d'innovations technologiques, noter des variations ou même des particularis­mes régionaux, préciser aussi la répartition du travail entre hommes et femmes. Enfin elles donnent parfois l'illusion de pénétrer, au-delà des siècles, dans la vie quotidienne des paysans.

On peut regretter la publication en noir et blanc de l’ensemble des illustrations ; sur 300 au total uniquement une trentaine sont présentées en couleur et groupées en début du livre. En revanche il faut apprécier la bibliographie importante (pages 425-461) relative aux sources iconographiques et à l’agriculture médiévale, suivie d’un index des matières, des auteurs et des agronomes.