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Origine de quelques sites mystérieux :

Dolmens, Pierre de Justice, Cimetière des innocents…et le rôle des glaciers

(Michel Bhaud)

La découverte du patrimoine mégalithique auvergnat constitue une façon de concilier la promenade, le plaisir de la découverte, et la réflexion sur le lointain passé de cette région à laquelle l’homme s’est attaché depuis si longtemps. Mais quelques fois cette découverte est surprenante et plutôt inattendue.

Quatre sites sont examinés : le Dolmen de La Cousty (Riom-ès-Montagnes), la Pierre de Justice (Ydes), le Cimetière des innocents (Valette), et le Dolmen de Vallat à proximité de Lanobre.

Aux deux extrémités de la vallée de la Sumène, l’action glaciaire a laissé des traces visibles interprétées pendant longtemps comme le résultat de l’action de l’homme. Il n’en est rien. Ce dernier s’est limité à utiliser des éléments déjà déposés auxquels il reconnaît une origine, une puissance et des vertus d’essence divine. Pendant longtemps une charge légendaire importante, des croyances et des pratiques magico-religieuses ont été associées à chacun de ces sites. Ce corpus de légendes mérite d’être conservé.

1) Le Dolmen de La Cousty

Ce « dolmen » est situé au nord-ouest du centre de Riom-ès-Montagnes, à environ 4,5 km à vol d’oiseau du centre ville Il est composé de trois blocs inférieurs aplatis en dalles et d’un bloc supérieur très massif. L’aspect actuel du « dolmen » n’est pas l’aspect original. Il a été relevé à l’aide d’une grue de chantier fonctionnant dans une carrière voisine, courant 1988-1989. Une photographie antérieure à ce relevage a permis de se faire une idée sur la disposition d’origine. Compte tenu d’un environnement glaciaire bien caractéristique et d’évidences diverses sur l’origine commune des trois éléments inférieurs, l’hypothèse suivante a été proposée. La construction du dolmen de La Cousty résulte d’un processus naturel qui s’est produit au moment du retrait des glaces. Certains blocs parmi les plus importants se sont trouvés les uns sur les autres et dans quelques cas favorables ont donné une structure mimant un dolmen effondré. Un bloc en forme de dalle s’est d’abord échoué puis un bloc massif de poids nettement supérieur est venu se caler sur le précédent et l’a rompu en deux (ou trois) parties. Pour en savoir plus : Les origines du Dolmen de La Cousty

2) La Pierre de Justice

Situation : Proximité d’Ydes Centre, à égale distance de ce bourg et de la gare de Saignes. La route entre Ydes-Bourg (direction Nord) et Ydes-Centre passe à proximité ; accès possible à pied, à partir du village de Montassou. Carte géologique de Mauriac : partie supérieure droite. Altitude 520m;

C’est, en fait, un ensemble de plusieurs blocs occupant une surface au sol de 2m sur 3m. Deux pierres principales attirent l’attention; la première est couchée sur la prairie. Elle est de forme allongée avec plusieurs dépressions pouvant faire penser à une empreinte d’homme. Longueur totale 150 cm. La seconde pierre est plutôt aplatie mais son épaisseur maximale atteint 50 cm. Elle est disposée obliquement et ne présente pas de structure particulière. Selon les légendes cette pierre aurait servi à rendre les sentences de justice : les condamnés étaient placés dans la pierre creuse qui était ensuite recouverte du lourd couvercle constitué par le second élément, et le supplicié mourrait écrasé; ou bien elle aurait servi une seule fois lors des aventures du Sire de Charlus. En fait ces éléments ont aussi une origine glaciaire. La nature pétrographique des roches en place est bien différente de celle qui constitue la Pierre de Justice. Autrement dit la Pierre de Justice a été transportée et l’origine du transport est à rechercher dans les phénomènes glaciaires qui ne manquent pas d’attirer l’attention dans ce secteur. Pour plus de détails.

Environnement immédiat: cette pierre est située sur l’axe d’un compartiment faillé d’orthogneiss à muscovite-biotite (respectivement mica blanc et mica noir) recouvert d’un placage de sédiment houiller, à proximité d’un ‘col’ autrefois emprunté par la Sumène. Ce col est à une altitude de 445m alors que de part et d’autre (dans les directions sud-ouest et nord-est) la barre d’orthogneiss domine vers 560m. Ce passage a été emprunté par une diffluence de l’ancien glacier de la Sumène. L’abondance des glaces dans cette partie basse des bassins Dordogne-Rhue-Sumène joint à la mauvaise circulation vers l’ouest a obligé le glacier a dévier vers le sud en direction de Ydes-Bourg. Au moment du dernier maximum glaciaire, Montassou, Fanostres étaient recouverts de glace qui charriait un matériel important. Lors du retrait glaciaire, des blocs éparses se sont déposés. Pour en savoir plus : La Pierre de Justice

3) Les Cimetières des Innocents ou Cimetières des Enragés.

C’est, malgré le nom, le cas le moins mystérieux d’un paysage naturel exceptionnel. Ce site se trouve à proximité de Valette, sur la rive gauche de la Sumène à l’ouest du village de Roche. (J. Varet 1970). Ce Cimetière est situé à l’ouest du massif de phonolite de Roche. Il est constitué par une multitude de blocs de phonolite dont la densité diminue en s’éloignant du massif. Ces champs de pierre sont constitués exclusivement de blocs de phonolite. Selon J. Varet la plus grande dimension des « dalles » atteint 1 à 8 m. Ces blocs sont épars et souvent partiellement ennoyés dans l’épais sol rouge qui provient de l’altération des basaltes qui constituent la planèze de Trizac. Les blocs s’étendent, par rapport à leur dôme d’origine dans une seule direction. Du côté opposé au « cimetière », aucun bloc n’est visible et le dôme est mis à nu comme nettoyé par un gigantesque coup de balai. Ici, rien n’est « enragé ». Cette accumulation de blocs provient d’une triple action : mise en place volcanique antérieurement à la dernière glaciation, altération périglaciaire et transport glaciaire.

Depuis les observations de J. Varet (1970), le paysage se trouve modifié : d’une part la surface occupée par la forêt ne cesse de progresser ce qui cache une partie de la zone des blocs ; d’autre part les prairies sont nettoyées à l’aide d’engins puissants, ce qui diminue encore les témoins de l’époque glaciaire.

1. Convoi de blocs au village de Roche près de Valette
2 et 3. Convoi de blocs au-dessus de Riom
4. Le massif de Roche près de Valette et la nuée de blocs associés (figure modifiée, d’après J. Varet 1970). Vue en plan 1 : phonolite ; 2 : zone à densité élevée de blocs indépendants et déplacés ; 3 : zone à densité réduite de blocs.

Le site de Valette-Roche n’est pas unique. D’autres « cimetières » peuvent être observés dans le même secteur à proximité des villages de La Cartelade, Auteroche, Milhac. Ces sites sont particulièrement intéressants du point de vue de la dynamique glaciaire; ils ont fait l’objet d’un travail de J. Varet, dont un compte rendu est fourni dans un autre chapitre. En résumé la direction des transports que l’on peut comparer d’un dôme à un autre n’est pas au hasard, mais coordonnée; la direction des mouvements porte au nord pour les dômes centraux puis passe à l’ouest pour les dômes périphériques. En conséquence il n’est pas possible d’envisager l’action de langues glaciaires indépendantes. Une vaste masse de glace enveloppait l’ensemble des massifs phonolitiques et d’un point à un autre de cette masse la dynamique était coordonnée sans pour autant permettre des déplacements parallèles.

Y. Veyret. (Thèse, T 1 p. 251) signale en Artense, dans la région de Bagnols totalement recouverte de glace il y a approximativement 12.000-15.000 ans, une zone à l’ouest du village : le ‘cimetière des enragés’. C’est un champ de blocs basaltiques plus ou moins arrondis et non en place. La glace, en passant sur le dos d’une coulée basaltique déjà bien altérée, étalait les éléments ainsi préparés.

Les gorges de la Burande (à proximité de St Donat) abritent aussi d’énormes blocs erratiques (in Janine Brunel : Volcans des Monts Dore, p.54). Ces symboles de violence ont été reliés par les habitants aux luttes mythologiques des Titans, à l’action du diable, aux guerres de religion...

En définitive, les « Cimetière des Innocents » ne présentent aucun problème d’interprétation : ces blocs épars constituent la phase finale d’une histoire qui comprend trois étapes : la mise en place d’un massif phonolitique, l’altération en surface de ce massif et le transport des fragments par l’action glaciaire. Dans les deux autres cas, l’origine n’en est pas moins évidente : certes, les blocs sont de grande dimension et restreints en nombre ; ils constituent, en apparence, un ensemble isolé qui pourrait rappeler une action volontaire. Cet isolement est trompeur. En fait, les blocs de plus grande dimension ont été les seuls à retenir l’attention dans la mémoire collective mais l’observation approfondie conduit dans chaque cas à découvrir un accompagnement de blocs plus modestes mais toujours d’origine différente du socle qui les porte. Jusqu’à maintenant les « cimetières des innocents » n’ont pas reçu d’interprétation faisant appel à l’activité humaine. De plus, cet environnement s’explique de façon naturelle par l’action des glaces.

4) Le dolmen de Vallat et la Région de Lanobre.

figure 1 figure 2
figure 3 figure 4
figure 5 figure 6

Illustrations de traces erratiques à proximité de Lanobre. (Lanobre 1)
1 et 2 : Faux Dolmen de Vallat. Ce véritable chaos est constitué de 4 blocs principaux.
3 et 4 : mortier géant rappelant un broyeur primitif (cuve légèrement creuse et boule d’écrasement) observé à une centaine de mètres du Dolmen, dans la même parcelle. En fait rencontre heureuse entre un bloc roulé et un support creux.
5 : Rocher magnifiquement poli à Farreyrolles. Ici la distinction entre diaclases et lignes de frottement, est aisée. La direction de la glace allait de gauche à droite.
6 : Quelques rochers du même convoi que celui qui a conduit au Dolmen, observés sur la parcelle dominant celle qui abrite le Dolmen.

Conclusions :

Aucun de ces sites ne présente de problème d’interprétation. Les blocs épars qui rappellent des tombes, constituent la phase finale d’une histoire qui comprend trois étapes : la mise en place d’un massif phonolitique, l’altération en surface de ce massif et le transport des fragments par l’action glaciaire. Dans les autres cas, l’origine n’en est pas moins évidente : les blocs de grandes dimensions constituent des ensembles isolés. Cet isolement est trompeur. Seuls, les blocs de plus grande dimension ont retenu l’attention dans la mémoire collective et sont actuellement signalés sur les cartes mais l’observation détaillée conduit dans chaque cas à découvrir d’autres blocs d moindre dimension toujours d’origine différente du socle qui les porte. Ainsi dans chaque cas l’environnement immédiat est caractéristique de l’action des glaces.

Pour en savoir plus :