geo.cybercantal.net sommaire Une exposition de manuscrits enluminés dans le Cantal Le Goff, le Moyen Âge en Images
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Le Goff, Jacques. 2000.
Le Moyen Âge en Images. Editions Hazan. 200 p.

Cet ouvrage représente la synthèse d’une longue fréquentation de l’auteur avec les images du Moyen Âge ; une fréquentation de plus de quarante ans avec sa collection personnelle de cartes postales. Ces images ne sont pas seulement des manuscrits enluminés, mais aussi des tapisseries, sculptures de pierre et de bois, crucifix, reliquaires, vitraux, cuivre doré et émail, mosaïques, peinture sur bois. La féodalité, les relations entre seigneurs et paysans, ne sont pas retenues dans le panthéon de l’auteur. Pour lui, le Moyen Âge profond se situe plus dans les relations qu’entretient la société humaine en face de la société divine. Une place centrale est accordée aux gestes et aux attitudes qui révèlent les caractères fondamentaux de l’homme et de la femme du Moyen Âge. Trois grands chapitres constituent le centre du livre.

1-L’homme et Dieu

La société médiévale est dominée par les rapports entre l'homme et Dieu dans le cadre de la religion et l'exégèse des Ecritures est une des activités fonda¬mentales du christianisme médiéval, même si la modernité chrétienne est toujours définie sur un fond de vérité éternelle. Aussi, au cours des dix siècles, du IVe au XVe siècle, que nous attribuons à la longue période appelée Moyen Âge, non seule¬ment la conception de l'homme se modifie, mais celle même de Dieu change. La repré¬sentation anthropomorphique de Dieu le Père et de Dieu le Fils rapproche Dieu de l'homme. L'homme, d'abord plus volontiers identifié avec Job écrasé par la toute-puissance de Dieu puis réhabilité pour avoir été fait «à la ressemblance de Dieu», comme l'avait dit la Genèse et comme le redécouvre le XIIe siècle, est représenté par Adam lui-même oscillant entre l'Adam d'avant la Chute, à qui Dieu destine la jouis¬sance du paradis terrestre, et l'Adam d'après la Chute, subissant les conséquences dévalorisantes du péché et lui-même prototype du pécheur. Dieu, de son côté, apparaît aux hommes selon des images, des thèmes iconiques, changeant avec le temps, avec l'histoire. Si le Saint-Esprit, qui échappe à la représentation anthropomorphique, ne semble pas avoir beaucoup évolué, Dieu le Père a tendance à abandonner son air menaçant de Dieu de colère ou son attitude hiératique de Dieu en majesté pour devenir plutôt un Dieu de misé¬ricorde. La métamorphose du Fils, de Jésus, est plus nette. Fils de Dieu dans la nati¬vité, le baptême, la cène, il est de moins en moins un Christ de majesté et de plus en plus, à partir du XIIIe siècle, le Christ de la Passion, un Dieu souffrant. Ainsi peut-il, au XIVe siècle, rejoindre pleinement l'homme souffrant et l'incarner : Ecce homo.

2-Corps, gestes et objets

La religion privilégie - et ce de plus en plus en avançant dans le Moyen Âge - la vie intérieure aux dépens de l'extériorité. « Mais comment l'intériorité peut-elle s'exprimer et se repérer si ce n'est à travers le corps? L'invisible est accroché au visible, et le visible c'est le corporel. Si, comme l'affirme le pape Grégoire le Grand, «le corps est l'abominable vêtement de l'âme», n'en est-il pas aussi la vitrine, n'est-il pas le miroir de l'âme, mieux encore l'inséparable expression ? La traduction fidèle de l'intérieur par l'extérieur, idéal du comportement chrétien, n'impose-t-elle pas au corps et à sa représentation un haut devoir ? Le corps est un champ de symboles pour la vie spirituelle de l'homme et de la femme du Moyen Âge ». L’auteur illustre ainsi l’écriture (la grammaire personnifiée par Donat, grammairien latin du IV° siècle, maître de saint Jérôme), les gestes du travail (les charpentiers, la construction de la tour de Babel), gestes de miséricorde (cathédrale dee Bâle) mais aussi de violence (chevaliers au combat) gestes de martyre. Le sommeil et les rêves considérés comme des véhicules du désir d’apprendre les mystères de l’univers. Pour l’auteur, le Moyen Âge a été un univers de combattants, de travailleurs et de rêveurs.

3- Vers l’épanouissement

L’auteur fait état de la sensibilité nouvelle et de l’épanouissement qui s’expriment dans les derniers siècles du long Moyen Âge, à travers des images où on décèle l’évolution du regard, des sens, l’épanouissement du portrait réaliste, de la beauté féminine, l’expression du goût de manger, de jouer, de rire, l’épanouissement de la musique et de la danse (invention de l’orgue et du luth). Voir par exemple les marges des manuscrits et les lettrines, dans lesquelles s’exprime la fantaisie ornementale. Les illustrations sur la musique et la danse terminent le livre ; elles réunissent les deux sexes de la société médiévale; la femme y trouve un lieu de présence, d’expression et probablement de promotion. Une autre illustration rassemble autour d’une danse profane, une carole, danseurs nobles et populaires (manuscrit parisien du XIV° siècle du poète Guillaume de Machaut). Heureuse conclusion.