geo.cybercantal.net sommaire Une exposition de manuscrits enluminés dans le Cantal Leservoisier, Jean-Luc, 2006. Les manuscrits du Mont-Saint-Michel
version imprimable

Leservoisier, Jean-Luc, 2006. Les manuscrits du Mont-Saint-Michel. Editions Ouest-France, Edilarge S.A. 34 p.

Les visiteurs viennent à Avranches depuis longtemps pour admirer les magnifiques vestiges des livres du Moyen Âge, rassemblés par les moines bénédictins de l’abbaye du Mont-Saint-Michel. C’est autour de 200 manuscrits fabriqués sur parchemin, qui survivent de la bibliothèque médiévale.

Ce fascicule limité en taille (32 pages) résume l’histoire du Mont et témoigne d'une incessante activité spirituelle, intellectuelle et artistique. Dans un cadre rénové, la bibliothèque patrimoniale comprend 14 000 livres anciens. Ils sont présentés au scriptorial d’Avranches qui permet un voyage dans le temps en s’aidant des livres médiévaux. On y apprend tout sur la fabrication des parchemins, l’usage des plumes d’oiseaux, de la corne de bœufs, la mise au point des encres, des pigments de couleur et des liants.

C'est au XI° siècle que l'art du livre atteint la perfection : les copistes et les artistes donnent naissance à des créations originales, dans le style des scriptoria normands : écriture « enluminée », initiales au décor varié, peintures à pleine page exceptionnelles. L'abbaye doit aussi le surnom de « Cité des livres » à la richesse et à la diversité des textes, tant sacrés que profanes, et à l'ouverture de la bibliothèque aux mouvements de pensée de son temps. Saint Augustin y côtoie Aristote et Abélard.

Le scriptorium est né en 966 avec l'arrivée des moines bénédictins à l'abbaye. Les ducs de Normandie, en lui accordant richesses et libéralités, favorisèrent les conditions de son essor. Les périodes les plus productives jusqu'à la fin du XII° siècle correspondent à un ensemble de facteurs favorables : la stabilité politique, la direction par des abbés amateurs de livres, la présence de grands lettrés et d'artistes expérimentés. Mais après la victoire de Philippe Auguste et le rattachement de la Normandie à la France, les scriptoria monastiques normands cessèrent peu à peu leur activité. La fabrication des livres passa aux mains des ateliers urbains et laïques qui imposèrent de nouveaux modes de production. Malgré le déclin, l'atelier monastique a pourtant survécu jusqu'au début du XVI° siècle.

À l'époque romane, les artistes normands se sont particulièrement distingués dans le domaine de l'enluminure en décorant leurs livres d'initiales ornées, peuplées de rinceaux de feuillages. Les Montois pour leur part ont créé un style, une esthétique propre : le rinceau habité. L'initiale ornée souligne d'abord la structure interne d'un énorme texte, organise et classe ses informations. Début d'un mot, elle introduit un livre ou un chapitre, réveille et fixe l'attention du lecteur. On a souvent établi des rapprochements avec le chapiteau sculpté de l'église romane. Dans un manuscrit du Mont, la collaboration entre les «images» et le texte est parfois si étroite qu'on peut parler d'écriture enluminée.

Les illustrations de ce fascicule permettent vraiment une visite virtuelle du scriptorial d’Avranches et une initiation à l’histoire du Mont. Elles mettent en évidence les apports extérieurs et les adaptations correspondantes. Les artistes du scriptorium monastique ont peuplé les branchages d'êtres animés, d'hommes et le plus souvent d'animaux réels ou fantastiques, avec une préférence pour l'aigle, le lion, le dragon. Ainsi la lettrine romane montoise associe rigueur et fantaisie, simplicité du dessin et savoir-faire élaboré. Exécutée à la plume, elle peut s'enrichir de coloris délicats et nuancés où dominent les rouge, vert et bleu, recevoir des couches picturales épaisses et éclatantes ou rester exempte de toute peinture couvrante. Les illustrations de ce livre, particulièrement évocatrices, permettent, avant l’heure, une visite guidée de grand intérêt.