geo.cybercantal.net sommaire Une exposition de manuscrits enluminés dans le Cantal Duby. De Hugues Capet à Jeanne d’Arc, 987-1460
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Duby, Georges. 1987.
De Hugues Capet à Jeanne d’Arc, 987-1460. Histoire de France Hachette, vol 1. 357 p.

Ce volume comporte 3 parties. Partie I : L’héritage avec 4 chapitres : l’empire, le peuple franc, les princes, le trouble. Partie II : La seigneurie avec 4 chapitres : le village, le château, l’église, le roi seigneur. Partie III : les germes de la nation et de l’état avec 7 chapitres : le grand progrès, Louis VII, Philippe Auguste, Le sud, XIII° siècle, XIV° siècle, La pucelle d’Orléans. Sur un total de 357 p., 92 pages sont réservées à l’illustration, 13 cartes et généalogies complètent l’ensemble.

Le projet bâti par les quatre responsables de la collection : Emmanuel Le Roy Ladurie, François Furet, Maurice Agulhon et Georges Duby, implique de concentrer le commentaire sur le politique. Pour ce qui est de la période du Moyen Age étendue sur plus d'un millénaire, de bons livres résument déjà les événements advenus dans les pays aujourd'hui français. Une répétition n’était pas nécessaire. Duby explique : Ma tâche est d'écrire le début d'une histoire de la France … et j'ai décidé de me restreindre à la tranche du passé, relativement mince, que depuis des années j'explore. Donc je pars, tard, de la fin du X° siècle : je connais mal ce qui précède. Je m'arrête tôt, au milieu du XIII° siècle : par delà, je n'ai pas moi-même poursuivi la recherche… Mon but est de montrer comment l'État émergea peu à peu de la féodalité. Évidemment, l'évolution politique prend place au sein d'un ensemble. Elle ne saurait en être isolée. Aussi ai-je veillé attentivement à ce que demeurent présents à l'esprit tous les changements qui déterminent cette évolution et sur lesquels elle retentit. J'évoque par exemple l'accélération de la circulation monétaire, la construction des cathédrales, l'épanouissement de la courtoisie, mais toujours en relation avec ce qui fait l'objet de ma recherche : la lente transformation des rapports de pouvoir

Ce livre ne traite pas spécialement des enluminures mais y fait appel pour illustrer des faits politiques. Ainsi, la page 185 donne le commentaire d’un manuscrit provenant de la cathédrale de Limoges. « Là où soufflait vers 1100 le vent de la réforme religieuse, à l'instigation des papes, de leurs légats et des clunisiens, dans les pays au Sud de la Loire, un fossé se creusait imperceptiblement entre les pouvoirs laïques et religieux, peut-être même entre les perceptions du sacré et du profane. Un livre liturgique de l'évêque de Limoges au début du XIIe siècle accuse fortement la puis¬sance souveraine du Christ, doublement séparé de ses apôtres par la mandorle qui l'emporte en Ascension et par la barrière d'entre ciel et terre. Figuration classique, fréquente dans la sphère d'influence clunisienne, mais qui en ce temps s'estompe doucement plus au Nord où l'on prête mieux l'oreille aux prêches de la vie terrestre du Christ. Alors que Louis VI se confiait encore à l'abbé Suger de Saint-Denis, son fils céderait bientôt sa dépouille aux moines novateurs, aux fils de saint Bernard, plus sensibles à l'unité de la chair et de l'esprit. (Cependant que) les troubadours au Sud chantaient les charmes d'un monde profane dont le code n'était plus dicté par les ecclésiastiques. - L'Ascension. (Paris, B.N., lai. 948, vers 1100, cathédrale de Limoges, f. 84 v.).

De même, la p 252 illustre la question : qui du pape ou du roi devait dominer ? Le manuscrit cistercien montre le pape enseigner et transmettre au roi les édits de son autorité, à charge pour le monarque d’en garantir l’application temporelle (décret de Gratien, Troyes B.M. 103 f 11). L’ambition de l’auteur est de restituer l'image que les hommes de ces temps lointains se faisaient de leur situation dans le monde. Ce monde peut être appréhendé, entrevu au travers de leurs œuvres donc par leurs yeux.

On peut continuer avec les commentaires sur l’ « Histoire de Radegonde » (seconde moitié du XI° siècle) un manuscrit appartenant à la Bibliothèque municipale de Poitiers ; Morales sur Job (Dijon et Bibliothèque Nationale), la « Vie de Saint Maur » (Bibliothèque municipale de Troyes), le Liber Floridus (Bibliothèque de l’Université de Gand) ; tous amènent des commentaires de l’auteur de première valeur fortifiant le texte. On retrouve bien sur de tels manuscrits l’expression de la politique sous forme de gestes manuels : le fils se sent dans la main de son père, l’épouse dans la main de son époux et la main de Dieu se tend vers les délégués de sa puissance. « Abandonner sa main à la prise d’une autre main, c’est accepter de se placer en position filiale…Devoir mais aussi droit, celui d’être associé à toute décision de l’autre ». Magnifiques commentaires, en regard de l’histoire, de manuscrits enluminés.